Deux ans après, la loi « climat » toujours embourbée.

Comment concilier urgence climatique et temps démocratique ? Nécessité de prendre des mesures rapides pour éviter d’atteindre un point de non-retour dans le réchauffement et la lenteur bureaucratique ?

L’article 191 de la loi climat et résilience, qui prescrit de diminuer par deux le rythme de l’artificialisation des sols entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie précédente, illustre parfaitement ce défi.

L’artificialisation des sols, conséquence directe de l’extension urbaine et de la construction de nouveaux habitats en périphérie des villes, est aujourd’hui l’une des causes premières du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité.

Ce phénomène consiste à transformer un sol naturel, agricole ou forestier, par des opérations d’aménagement pouvant entraîner une imperméabilisation partielle ou totale, afin de les affecter notamment à des fonctions urbaines ou de transport (habitat, activités, commerces, infrastructures, équipements publics…).

Au plan national, entre 20 000 et 30 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers sont en moyenne consommés chaque année, emportant d’importantes conséquences écologiques, mais aussi socio-économiques. En effet, l’artificialisation des sols porte atteinte à la biodiversité, au potentiel de production agricole et de stockage de carbone, ou encore augmente les risques naturels par ruissellement. L’étalement urbain et le mitage des espaces à toutes les échelles, lorsqu’ils ne sont pas maîtrisés, éloignent par ailleurs les logements des services publics et de l’emploi, augmentent les déplacements et entretiennent une dépendance à la voiture individuelle.

Mesures de la Loi Climat-résilience pour tendre vers le « zéro artificialisation nette » des sols

La loi Climat et Résilience fixe un objectif d’atteindre en 2050 « […] l’absence de toute artificialisation nette des sols […] », dit « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN). Elle a également établi un premier objectif intermédiaire de réduction de moitié du rythme de la consommation d’espaces dans les dix prochaines années (2021 – 2031).

Pour atteindre le ZAN, la réforme engagée encourage la mobilisation des surfaces déjà artificialisées en promouvant la densification, l’utilisation des locaux vacants et des friches. La loi Climat et Résilience (et le projet de loi 3DS) mettent en place de nouveaux leviers régaliens pour optimiser l’usage des gisements fonciers déjà artificialisés notamment avec des possibilités de déroger aux règles du PLU en matière de densité ou de nouveaux pouvoirs pour mettre en demeure les propriétaires de zones d’activités économiques obsolescentes de remettre en état leur bien (dans les opérations de revitalisation de territoire et les projets partenariaux d’aménagement).

La qualité urbaine est la condition d’acceptation de la densité : à cet égard, la loi Climat Résilience renforce les mesures de valorisation de la “nature en ville” (identification des zones de renaturation préférentielle dans les SCOT, obligation d’OAP pour les trames vertes et bleues et la protection des franges urbaines dans les PLU, obligation de coefficients de biotope par surface dans les PLU, dérogation au PLU pour faciliter la végétalisation et les espaces extérieurs au logement etc. …).

Pour accompagner les collectivités engagées en faveur de la sobriété foncière, les missions des établissements publics fonciers, des agences d’urbanisme et de l’agence nationale de cohésion des territoires sont renforcées. Enfin, un certain nombre de dispositifs sont prévus pour aider financièrement à l’émergence de projets démonstrateurs et valoriser ces projets.

2031, c’est demain.

Simple sur le papier, l’objectif de diviser par deux l’artificialisation des sols d’ici 2031 s’avère complexe à mettre en œuvre, entre réticences des élus et lenteur bureaucratique, deux ans après sa promulgation, la loi n’a toujours pas commencé à s’appliquer et le gouvernement tergiverse …

Sous la pression de certains élus craignant ne plus pouvoir construire à cause du ZAN, alors que le compteur tourne déjà, la loi est aujourd’hui en pleine révision avant même que d’être appliquée complétement. En effet, la trajectoire fixée par la loi devaitt être intégrée dans les documents de planification régionale dans un délai de deux ans. Puis, être déclinée par lien de compatibilité dans les documents d’urbanisme infra régionaux : les SCOT dans un délai de 5 ans après l’entrée en vigueur de la loi, et les PLU(i) & Cartes communales dans un délai de 6 ans après l’entrée en vigueur de la loi.