Les forêts de protection doivent être protégées !

La forêt a une vocation multifonctionnelle : services écologiques, puits de carbone, production de bois, accueil du public…

Elle doit donc être protégée.

Le ministère de l’Agriculture met en consultation publique jusqu’au 5 mai un texte qui fait voler en éclat le statut des forêts de protection en facilitant leur déclassement et en autorisant des travaux jusque-là strictement interdits, tels que les défrichements ou tout nouveau projet d’infrastructure, d’urbanisation ou d’artificialisation qui porteraient atteinte à leur intégrité.

Double discours ?

« Le statut de forêt de protection, le plus protecteur dans le code forestier, permet de préserver les parties classées du massif de tout défrichement et de tout nouveau projet d’infrastructure, d’urbanisation ou d’artificialisation qui porteraient atteinte à leur intégrité. La pérennité de la forêt est ainsi protégée, lui permettant de perpétuer sa vocation multifonctionnelle : accueil du public, production de bois, services écologiques, puits de carbone, notamment », rappelait le même ministère, en août 2022, alors qu’il annonçait le classement de la forêt de Bondy (Seine-Saint-Denis) sous ce statut.

Réaliser des travaux jusque-là impossibles

Actuellement, seuls peuvent être autorisés les travaux de gestion forestière courante, ceux de recherche d’eau (depuis 2012), les fouilles et sondages archéologiques, ainsi que la recherche ou l’exploitation souterraine de gisements de gypse (depuis 2018).

Tout défrichement, fouille, extraction de matériaux, infrastructures, exhaussement du sol ou dépôt sont pour l’heure strictement interdits, sauf s’il s’agit de travaux de mise en valeur et de protection de la forêt, ainsi que de restauration des habitats naturels et de rétablissement des continuités écologiques.

Le texte permet de réaliser des travaux jusque-là impossibles sans devoir recourir au préalable au déclassement des parcelles concernées en prévoyant de passer du régime d’interdiction à celui de l’autorisation sous conditions.

Le texte autorise également les travaux nécessaires à la prévention des risques naturels et à l’accueil du public, si ces derniers permettent un retour du site à l’état initial. « Il rend aussi possible (…) les travaux de surveillance, d’entretien, de remplacement et de maintenance relatifs à des canalisations et des réseaux enterrés d’eau, d’électricité ou des réseaux filaires, y compris de téléphonie, implantés avant 2010 », indique le ministère de l’Agriculture.

Enfin, ajoute-t-il, il ouvre la possibilité de mener des travaux « légers » ou d’implanter des équipements ponctuels autres que ceux strictement indispensables à la gestion forestière multifonctionnelle. Parmi ceux-ci figurent l’extension de bâtiments existants, l’implantation et l’entretien de réseaux enterrés, les aménagements nécessaires à l’exercice des activités agricoles ou encore les travaux sur emprise temporaire nécessaires à la réalisation d’un projet d’utilité publique.

La loi du 28 avril 1922 permet de classer comme forêt de protection, pour cause d’utilité publique, les forêts dont la conservation est reconnue nécessaire au maintien des terres sur les montagnes et sur les pentes, à la défense contre les avalanches, les érosions et les envahissements des eaux et des sables. La loi de 1976 sur la protection de la nature a élargi cette possibilité aux forêts situées à la périphérie des grandes agglomérations, ainsi que pour des raisons écologiques ou pour le bien-être de la population. Ces deux textes ont été codifiés dans les articles L.141-1 et suivants du code forestier. Le classement (ou la modification de classement) est prononcé par décret en conseil d’État. Tout défrichement et tout changement d’affectation du sol sont notamment interdits, sauf exceptions. En France métropolitaine, environ 168 000 hectares sont classés, soit environ 1% de la surface des forêts.

En l’état actuel du droit, le classement comme forêt de protection d’un massif rend impossible (article R.141-14 du code forestier) la réalisation de certains travaux – à l’exception de ceux indispensables pour la gestion forestière courante exercée par le propriétaire, de ceux relatifs à la recherche d’eau (2012), à des fouilles et sondages archéologiques (2018) et à la recherche ou l’exploitation souterraine de gisements d’intérêt national de gypse (2018) –, sans devoir recourir au préalable au déclassement des parcelles concernées.

Le projet de décret mis à la consultation vise à répondre à une demande expresse du Conseil d’État afin de simplifier le dispositif existant applicable aux forêts de protection en faisant évoluer le code forestier sur 4 points :

Ce qui va changer avec ce décret :

l’article R.141-9 du code forestier, complété, donne désormais au ministre chargé des forêts, et non plus au seul Conseil d’État, la possibilité de procéder à des déclassements, dans l’objectif principal de corriger des erreurs manifestes à savoir la présence de parcelles non boisées lors du classement initial de la forêt, mais aussi afin de pouvoir réaliser un projet ayant un intérêt public aussi digne d’intérêt que la protection de la forêt, lié par exemple à la sécurité routière au niveau de routes traversant les grands massifs classés.

Les déclassements seront limités, pour les forêts de protection de 10 000 ha ou moins, à une surface cumulée inférieure ou égale à 2% de la superficie totale de la forêt de protection à la date de son classement initial ou du dernier classement et à un maximum de 100 hectares. Pour les forêts de protection dont la surface est de plus de 10 000 ha, le pourcentage est ramené à 1%, dans la limite de 200 ha au total. La procédure reste inchangée (enquête publique, consultations, etc…).

Le projet de décret élargit également le champ d’application de l’article R.141-14 du code forestier (cantonné dans sa rédaction actuelle aux fonctions économiques et écologiques de la forêt) aux fonctions sociales (accueil du public) et de prévention des risques naturels. Les travaux déclarés au préfet seront ainsi pleinement en lien avec l’ensemble des fonctions à valoriser dans le cadre d’une gestion forestière multifonctionnelle. Il rend aussi possible, par un ajout d’alinéa au R.141-16, les travaux de surveillance, d’entretien, de remplacement et de maintenance relatifs à des canalisations et des réseaux enterrés d’eau, d’électricité ou des réseaux filaires, y compris de téléphonie, implantés avant 2010.

Enfin, ce projet de décret complète dans une sous-section 6 le régime spécial d’autorisation préfectorale, en s’inspirant par exemple de certains travaux autorisés dans les sites classés : il ouvre la possibilité de mener en forêt de protection des travaux « légers » ou d’implanter des équipements ponctuels autres que ceux strictement « indispensables » à la gestion forestière multifonctionnelle visés à l’article R.141-14 (extension de bâtiments existants, implantation et entretien de réseaux enterrés, etc…).