Plus c’est gros, plus ça passe …
à quelques rares exceptions, les mots pour évoquer le nucléaire dans les médias et la parole publique relèvent de la vérité alternative, chère à Poutine, à Trump et à quelques autres.
Et l’on nous rabâche malheureusement une histoire complètement fausse.
Une énergie bon marché ? Faux !
Le nucléaire est une des énergies les plus coûteuses. Les partisans du nucléaire, invoquant l’urgence de la lutte pour le climat, affirment souvent que les énergies renouvelables ne permettraient pas de produire suffisamment d’électricité, mais ceci est de moins en moins exact. La baisse incroyable du coût des énergies renouvelables a influé sur la capacité de production nucléaire et depuis une vingtaine d’années a fait passer la part du nucléaire dans l’électricité au niveau mondial sous le seuil des 10 %.
Les investissements se font désormais massivement dans le renouvelable. Si en 2021, les investissements dans le nucléaire ont été de l’ordre de 24 milliards de dollars, ceux dans le renouvelable ont été de l’ordre de 350 milliards de dollars. Si la France a longtemps bénéficié d’une énergie bon marché, grâce au nucléaire payé par les contribuables Français, l’énergie nucléaire elle-même est aujourd’hui une des plus coûteuses.
Corinne Lepage, dans une tribune publiée dans le monde du 19 novembre 2022 rappelle que “Les analystes de Bloomberg New Energy Finance disent qu’un nouveau kWh nucléaire coûte cinq à treize fois plus cher qu’un nouveau kWh solaire ou éolien.”Les analystes de Bloomberg New Energy Finance disent qu’un nouveau kWh nucléaire coûte cinq à treize fois plus cher qu’un nouveau kWh solaire ou éolien.
Pour assurer notre indépendance ? Faux !
Le vent, le soleil, l’eau assurent notre indépendance. Il n’en va pas de même de l’uranium, qui est extrait de pays « complexes », comme le Niger ou le Kazakhstan. Il faut 7800 tonnes d’uranium naturel pour obtenir 1080 tonnes d’uranium enrichi, soit la quantité nécessaire au fonctionnement annuel des centrales nucléaires françaises.
Le combustible nous rend fortement dépendants du russe Rosatom, comme si le précédent du gaz ne nous avait pas suffi.
Greenpeace France a publié en mars un rapport sur les liens entre l’industrie nucléaire française et cette entreprise nucléaire qui démontre que la France est pieds et poings liés à la Russie. Le constat est accablant : Rosatom a la mainmise sur une grande partie des importations d’uranium naturel provenant du Kazakhstan et d’Ouzbékistan. Ces dernières représentent près de la moitié de l’uranium naturel importé chaque année en France.Le constat est accablant
La filière nucléaire française, loin d’être gage de la souveraineté énergétique française, est bel et bien dépendante de la filière nucléaire russe à toutes les étapes du parcours de l’uranium, sans alternative crédible possible. Malgré le début de la guerre en Ukraine il y a plus d’un an, la France n’a pas stoppé son commerce nucléaire avec la Russie, bien au contraire.
Le mirage du retraitement des déchets
Au-delà de l’uranium naturel, la France a quasiment triplé ses importations d’uranium enrichi russe. Il faut dire que la Russie dispose, avec l’usine de Tomsk à Seversk, de la seule usine de conversion au monde capable de retraiter le combustible usagé et de le réenrichir pour en utiliser une maigre part. Le combustible irradié traité à l’usine de La Hague est envoyé en Russie pour être enrichi, un processus qui consiste à faire passer sa concentration d’uranium 235 de 1 à 4 %. On obtient 10 % d’uranium de retraitement enrichi pour 90 % de déchets qui restent à la charge de l’enrichisseur.
La construction de nouveaux réacteurs nucléaires, actuellement en débat, ne garantirait en aucun cas la souveraineté énergétique, car elle maintiendrait la France dépendante des pays fournisseurs d’uranium, et tout particulièrement de la Russie.
Choix déraisonnables
Aucun EPR n’a été vendu à l’étranger depuis les deux réacteurs de Hinkley Point, en réalité vendus à EDF, à qui appartient British Energy. Inutile de s’appesantir sur l’EPR finlandais d’Olkiluoto dont la construction a débuté en 2004 et dont l’exploitation commerciale n’a pas encore commencé dix-neuf ans plus tard et Flamanville 2 qui aurait dû démarrer en 2012 et coûter 3,3 milliards d’euros (on a déjà dépassé les 19 milliards !) et n’a toujours pas démarré.
Notre dépendance au nucléaire a conduit les dirigeants successifs à tout mettre en œuvre pour empêcher le développement des énergies renouvelables en France et le relais ne peut donc être suffisamment pris aujourd’hui par les énergies vertes, alors que la vétusté de notre parc nucléaire apparaît dans toute sa nudité. Penser que la solution passe par la réalisation de six nouveaux EPR (voire douze) dans les vingt ans qui viennent, relève de la pensée magique.
Pour se rapprocher rapidement de l’autonomie énergétique, de manière décarbonée, la France doit mettre en place une véritable politique de sobriété, avec des objectifs à la fois climatiques et énergétiques, mais aussi soutenir un développement massif des énergies renouvelables, en acceptant une réelle décentralisation énergétique et des investissements massifs dans les réseaux de proximité.
Les scénarios de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie ou de RTE, fondés exclusivement sur les énergies renouvelables, montrent que c’est possible.
Par Pascal Blain, président de Serre Vivante
Contre le nucléaire, ses bombes et ses déchets
Face à l’invraisemblable relance du nucléaire une rencontre anti-nucléaire, pacifique et déterminée, est prévue le 3 juin à Paris autour du mot d’ordre : « les Communs que nous protégeons ». La dernière alerte du GIEC et le grave faux-semblant d’action climatique du gouvernement appellent à une mobilisation de grande ampleur de toutes les luttes écologiques et sociales. Soyons la force du nombre ! En savoir +> https://www.sortirdunucleaire.org
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