Un succès pour Serre Vivante !
L’objet de l’association énoncé dans ses statuts est en particulier « de faire progresser la législation sur les enclos et parcs de chasse ».
La loi du 2 février 2023 marque un progrès indéniable.
Elle vise à favoriser la circulation des animaux sauvages et la préservation des paysages par la limitation et l’encadrement de l’engrillagement des espaces naturels.
En 1992, l’installation par quelques industriels du Haut-Doubs d’un parc de chasse de cent hectares dans la Forêt de la Serre a provoqué une vive émotion chez les usagers habituels du massif forestier, chasseurs, promeneurs ; sans doute a-t-elle aussi gêné les scientifiques attachés à son étude, comme elle a choqué ceux qui aiment la nature et l’espace et ceux pour qui le libre parcours de nos bois constitue un acquis coutumier traditionnel. Le surgissement soudain et silencieux d’une clôture de quatre kilomètres a pu alors être ressenti comme un coup de force, voire une provocation. Serre Vivante est née de cette indignation.
Solognisation des espaces
L’engrillagement des espaces naturels connait une croissance rapide et continue. En 2011 en Sologne, une enquête dénombrait 670 km de clôtures. En 2019, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage estimait qu’il y en avait plus de 3 000 km.
L’engrillagement impacte la biodiversité et le développement territorial
Les grillages empêchent tout particulièrement la libre circulation des animaux sauvages, mais aussi de la petite faune, remettant en cause leurs habitats naturels et leurs besoins écologiques (nutrition, reproduction, déplacement). La surconcentration des animaux dans des parcs et enclos conduit également au piétinement des sols et à la destruction de la flore, et pourrait également favoriser des risques sanitaires pour les animaux, outre un appauvrissement génétique en l’absence de brassage.
Sur le plan social et économique, la multiplication des parcelles clôturées a également pour effet de fermer les espaces, d’empêcher la libre circulation des promeneurs et de dégrader les paysages. En Sologne, pourtant classée zone Natura 2000, elle met en échec le développement du tourisme rural. L’engrillagement peut également poser problème en matière de sécurité en cas d’incendie de forêt, car les clôtures ralentissent considérablement les secours.
Les continuités écologiques sont aujourd’hui protégées
L’impact négatif de l’engrillagement sur les continuités écologiques est en contradiction avec les objectifs des trames vertes et bleues (TVB), instaurées par la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 dite loi « Grenelle 1 » et codifiée à l’article L. 371-1 du code de l’environnement. Ces trames poursuivent l’objectif « d’enrayer la perte de biodiversité en participant à la préservation, à la gestion et à la remise en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques » et la loi prévoit l’élaboration d’orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques (article L. 371-2 du code de l’environnement).
Ces orientations nationales doivent être déclinées dans les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET).
Enfin, au niveau local, la stratégie régionale doit être prise en compte dans les documents de planification en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme : plans locaux d’urbanisme (PLU), plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI) et schémas de cohérence territoriale (SCoT).
Une réglementation nationale pour encadrer le droit de se clore
Si depuis le XIXe siècle la loi reconnaît à un propriétaire le droit de clore son domaine (l’article 647 du Code civil énonce « tout propriétaire peut clore son héritage »), celui-ci n’est pas absolu et peut être limité et régulé par les collectivités qui ont compétence pour définir des règles sur les clôtures, pouvant leur imposer « des caractéristiques permettant de préserver ou remettre en état les continuités écologiques » (article R. 151-43 du code de l’urbanisme). Avec la loi adoptée le 2 février 2023, deviennent soumises à déclaration préalable les clôtures situées dans les zones naturelles ou forestières délimitées par le règlement du PLU ou à défaut d’un tel règlement, dans les espaces naturels permettant en tout temps la libre circulation des animaux sauvages.
En ce qui concerne les clôtures déjà existantes, sauf à prouver de leur réalisation il y a plus de 30 ans, chaque propriétaire devra mettre en conformité l’engrillagement de ses parcelles avant le 1er janvier 2027. En cas de détérioration, les réparations et rénovations doivent se faire conformément aux conditions précédemment énumérées. Le défaut de mise en conformité ou l’implantation irrégulière de clôtures sera passible d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende, aux termes de l’article L. 415-3 du Code de l’environnement.Les clôtures doivent désormais être posées à 30 centimètres au-dessus de la surface du sol, ne pas dépasser 1,20 m de hauteur, ne pas être vulnérantes et être constituées de matériaux naturels ou traditionnels.
Les fédérations départementales des chasseurs qui le souhaitent pourront mobiliser les fonds de l’écocontribution pour planter des haies en lieu et place des clôtures existantes. L’agrainage sera désormais interdit dans les espaces clos ne permettant pas le passage de la faune sauvage, sauf exceptions inscrites dans le schéma départemental de gestion cynégétique. Les enclos et parcs de chasse construits plus de 30 ans avant l’entrée en vigueur de la loi pourront préserver leurs clôtures, mais seront désormais soumis aux dates d’ouverture et de fermeture de la chasse, aux plans de chasse, ainsi qu’aux contributions territoriales.
À quand le démontage de la clôture du parc de chasse de Moissey ?
Par Pascal Blain
Préserver le droit de propriété
La loi 2023-54 contrebalance le risque accru de pénétration sans autorisation sur les propriétés privées rurale ou forestière pancartées, suite à la limitation de l’engrillagement, par une exposition à une amende de 135 € et la suppression de la responsabilité du propriétaire en cas d’accident.
En savoir +>
- Droit de propriété et ses limites, Défense de l’espace public et de la libre circulation (Par Pierre Gillet, sev n°3, automne 1993)
- Le texte de la loi 2023-54 du 2 février 2023 visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée
- Les tribulations des bois Matherot (sur le site Moissey.com)
Cliquez sur l’image ci-dessus pour découvrir le texte publié dans le bulletin 55 !