Elle a beau être transparente, l’eau que nous buvons cache des choses.

En 2022, les métabolites du S-métolachlore ont privé d’eau potable les habitants des 14 communes desservies par Syndicat des Eaux de Montmirey-le-Château.

Le 15 février 2023, l’Agence française de sécurité sanitaire (Anses) annonce le retrait des principaux usages de cette substance, suscitant l’émotion dans le monde agricole.

En mars, lors du congrès de la FNSEA, syndicat agricole majoritaire très productiviste, le ministre de l’Agriculture a déclaré demander à l’Anses de revoir sa décision. Cette position, incompréhensible, a soulevé l’indignation de nombreux élus, des associations environnementales et de tous ceux que préoccupent la santé et l’environnement.

L’Anses entérine le retrait du S-métolachlore

Fort heureusement depuis la décision publiée le 20 avril 2023, les principaux usages de ce puissant herbicide agricole commercialisé par Syngenta, le poids lourd allemand du secteur, sont désormais interdits en France.

La fin de vente et de distribution est fixée au 20 octobre 2023 et, concession à la profession, un délai est autorisé pour l’utilisation des stocks jusqu’au 20 octobre 2024. Au plan européen, les États membres de l’UE doivent statuer sur le sort du pesticide d’ici novembre.

alerte au chlorothalonil

Le 6 avril, l’Anses a publié une étude sur la présence dans l’eau potable de composés chimiques qui ne sont pas, ou peu, recherchés lors des contrôles réguliers. Les prélèvements ont concerné le territoire français et ont donné lieu à plus de 136 000 résultats. L’étude s’est focalisée sur 157 pesticides et les métabolites issus de leur dégradation dans les milieux.

Les résultats sont préoccupants.

Ils montrent une vaste contamination aux résidus de pesticides, même des années après leur utilisation.

Sur les 157 produits toxiques recherchés, 89 sont détectés au moins 1 fois dans les eaux brutes et 77 fois dans les eaux traitées. L’étude pointe le métabolite du fongicide chlorothalonil (cancérogène possible interdit en 2019) appelé « R471811 ». Ce dernier est retrouvé dans plus d’un prélèvement sur deux, avec des dépassements de la limite de qualité (0,1 µg/litre) dans plus d’un prélèvement sur trois ! Cela montre la faillite du suivi post homologation pour cette molécule dont on sait depuis 2006 la capacité à produire des métabolites en quantité importante.

La faiblesse du système d’évaluation et d’autorisation des pesticides qui conduit à cette situation sanitaire est scandaleuse. Nos décideurs politiques doivent agir. Il est urgent de réduire la dépendance de l’agriculture aux pesticides, qui contaminent nos eaux, mais aussi nos sols, notre air et nos aliments ! Pascal Blain Par Pascal Blain, président de Serre Vivante

Des nouvelles de la station de traitement des eaux de Thervay

Un traitement complémentaire au charbon actif a été mis en service en septembre 2022 pour éliminer les pesticides et leurs métabolites. Les molécules des pesticides vont être piégées par le charbon actif jusqu’à ce que celui-ci soit saturé. Il sera alors nécessaire de remplacer le filtre. Des analyses sont réalisées chaque mois par le syndicat, en plus du contrôle sanitaire réalisé par l’ARS, afin de s’assurer de l’efficacité du traitement et de déterminer à quel moment le filtre doit être remplacé. Les analyses réalisées montrent l’efficacité du filtre.

Le curatif à un coût

Le coût des travaux s’est élevé à 243 200 € HT. Ils ont été réalisés par les entreprises SOEGA et Thiou Services et subventionnés à hauteur de 40% par l’État. Afin de réduire les délais de mise en œuvre, le syndicat a choisi de louer le filtre et de le renouveler une fois le charbon saturé, environ une fois par an. Le loyer est de 16 550 €/an et le renouvellement du filtre est estimé à 41 000 € HT. Le coût d’exploitation du filtre revient donc à 0,24 €/m3.

S’inscrire dans le long terme sans négliger la prévention

Bien que les seuils réglementaires aient été relevés au-delà des concentrations que l’on retrouvait dans l’eau avant la mise en place du traitement, le Syndicat des eaux de Montmirey-le-Château souhaite pérenniser l’installation et réfléchit à l’achat de filtres définitifs, moins couteux à long terme. En parallèle, les actions préventives se poursuivent avec la parution prochaine de l’arrêté préfectoral agrandissant le périmètre de protection du captage.

Delphine TERNET, responsable technique du Syndicat des Eaux de Montmirey-le-Château - siaejura@wanadoo.fr

En savoir +>

L’Inrae de Dijon a montré que des alternatives au S-métolachlore existent : faux semis, rotation des cultures et désherbage mécanique… Des techniques issues de l’agriculture biologique, parfois plus lentes, plus coûteuses, mais qui vont rapidement s’améliorer si elles se généralisent.

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