125 hectares sans pesticides
Ce qui se passe dans un champ dépend en partie des éléments paysagers qui l’entourent et des modes de conduite des parcelles alentour.
Les bandes enherbées agissent sur le maintien de la biodiversité et sur la limitation des adventices ; les bandes fleuries ont un effet sur les auxiliaires des cultures. Mais tout cela est bien complexe ! Une des failles vient souvent de l’incohérence entre ce que l’on fait pour la biodiversité sauvage autour des parcelles et ce que l’on fait pour limiter les bioagresseurs au cœur des parcelles.
Une ferme expérimentale unique
À Bretenière, au sud de Dijon, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAe) gère le domaine d’Époisses. Là, sur 125 ha contigus, la plateforme CA-SYS permet de tester en plein champ des systèmes agro-écologiques pour envisager un avenir plus durable à l’agriculture.
Le parcellaire de la ferme et la conduite des parcelles ont été complètement réorganisés à l’été 2018 avec l’introduction de plus de 10 % de la surface en infrastructures agro-écologiques (3,4 km de haies sur le pourtour du dispositif, 3,7 km de bandes fleuries, 11,4 km de bandes enherbées), ces deux aspects intra et extra-parcellaires étant réfléchis en cohérence et co-construits avec la profession agricole.
La plateforme comprend un ensemble où toutes les parcelles contiguës sont en semis direct sous couvert et donc sans labour ; un système où toutes les parcelles mobilisent le travail du sol (labour occasionnel, faux semis, désherbage mécanique) et enfin une zone mixte.
125 hectares sans pesticides
Les 125 hectares de culture, tous sans produits phytosanitaires, cherchent à maximiser la biodiversité fonctionnelle pour favoriser de nombreuses fonctions écosystémiques. Les bioagresseurs sont régulés par des auxiliaires ou la mobilisation des couverts dans la rotation afin de favoriser la compétition pour étouffer les adventices et la prédation des graines. Pour limiter les apports d’engrais minéraux exogènes à la parcelle, la totalité des systèmes testés mobilise les légumineuses qui fixent l’azote atmosphérique et ne nécessitent pas de fertilisation azotée.
La fabrication d’engrais de synthèses fait appel à des ressources non renouvelables et émet des gaz à effet de serre. Il est donc important de réduire la dépendance à ceux-ci. Les pratiques agricoles peuvent favoriser la diversité microbienne des sols pour améliorer les fonctionnalités en lien avec la dégradation de la matière organique, la nourriture des plantes en symbiose avec les mycorhizes, limiter les pertes via les émissions de N2O par les sols, etc.
Le choix variétal se doit d’être judicieux afin de favoriser les interactions plantes/micro-organismes.
La transition en perspective et objet d’étude
L’objectif est d’atteindre en 10 à 12 ans une rentabilité et une productivité équivalentes aux systèmes pratiqués par les agriculteurs voisins, mais sans pesticides, en se servant de la biodiversité cultivée et sauvage comme moyen de production. Déplacer des équilibres écologiques, recréer un sol vivant et fonctionnel prend du temps, et cette transition est un objet d’étude scientifique pour tous ceux qui s’intéressent à l’avenir de l’agriculture.
Par Pascal Blain, président de Serre Vivante
L’agro-industrie se place
L’agrobusinessman de 49 ans désigné le 13 avril 2023 à la tête de la FNSEA est sur la ligne productiviste du puissant syndicat agricole. Diplômé d’une école de commerce parisienne, Arnaud Rousseau a travaillé dans le courtage agricole avant de reprendre une exploitation de 700 ha en Seine-et-Marne. Productiviste assumé, il exploite de grandes cultures (colza, tournesol, blé, betterave, maïs).
Président de la fédération des producteurs d’oléagineux, il préside également le groupe Avril, géant des huiles (près de 7 milliards de chiffre d’affaires en 2021) plus connu au travers des marques Lesieur, Isio 4 ou Puget, mais aussi très actif dans les agrocarburants (1) et l’alimentation du bétail. Il succéda à cette présidence à Xavier Beulin à son décès en 2017 (Xavier Beulin dirigeait également la FNSEA).
Au nom de la « souveraineté alimentaire », il faut « produire mieux, produire de l’alimentation », mais aussi « de l’énergie », écrit-il dans une profession de foi adressée aux administrateurs du syndicat où il plaide pour une « agriculture offensive (…) qui refuse de se laisser enfermer par les idéologies, les violences inacceptables, et les sirènes de la décroissance ».
En cumulant ses activités professionnelles et syndicales, l’homme d’affaires saura-t-il éviter les conflits d’intérêts ?
(1) Agrocarburants : On brûle chaque jour en Europe l’équivalent de 19 millions de bouteilles d’huile de tournesol et de colza dans les voitures et les camions.
Le saviez-vous ?
En France, on compte près de 41 000 espèces d’insectes, dont environ 7 500 liées à l’agriculture : 2 000 ravageurs mais aussi 5 500 auxiliaires d’un grand intérêt agronomique.
En savoir +> Stéphane Cordeau, chercheur - stephane.cordeau@inrae.fr - 03.80.69.32.67 et
Violaine Deytieux, ingénieur de recherche à l’INRAe, co-animateurs de la plateforme CA-SYS
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