Une vraie fausse bonne solution …
Devant l’urgence climatique, l’énergie nucléaire est aujourd’hui présentée en France, malgré les risques qui s’y attachent, comme une solution crédible à la lutte contre le réchauffement climatique.
Le nucléaire représente 10 % de la production d’électricité mondiale
soit - 7 points depuis 1996, à peine 2 % de la consommation d’énergie finale, et ne permet d’éviter que 2,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre ! L’âge moyen du parc mondial augmente sans cesse et a dépassé 30 ans (le nombre de nouveaux réacteurs mis en chantier a chuté de 44 en 1976 à 15 en 2010 et 5 en 2017).
Les signaux d’alerte se multiplient dangereusement
En France, l’opérateur historique s’avère incapable de maîtriser techniquement et financièrement le chantier de l’EPR de Flamanville supposé préfigurer le parc nucléaire des années 2030. L’Autorité de sûreté nucléaire se voit contrainte d’accorder des dérogations injustifiables pour lui permettre la poursuite de sa construction, dont la mise en service recule d’année en année. Le devis du « grand carénage » indispensable à la mise aux normes de sûreté du parc français dépasse déjà le coût d’investissement initial de celui-ci, sans qu’EDF puisse assurer pour autant une prolongation significative de production d’électricité sans risque. L’État s’est vu dans l’obligation d’aligner 5 milliards d’euros pour éviter la faillite d’Areva, englué dans les aventures minières, le surcoût de l’EPR en Finlande et les suites des falsifications effectuées dans son usine Creusot Forge.
C’est pourtant dans ce contexte délétère qu’EDF, qui a déjà réussi à convaincre le gouvernement de décaler d’au moins dix ans le calendrier de fermeture de la vingtaine de centrales nécessaire au respect de la loi de transition énergétique de 2015 d’imposer sa vision d’un nucléaire « sauveur du climat ». La solution proposée par EDF consiste à faire augmenter le plus rapidement possible la consommation française d’électricité, stagnante depuis plusieurs années, de telle sorte que la part du nucléaire redescende « naturellement » à 50 % du total vers 2030, rendant inutile toute fermeture de centrale.
La transition bas carbone comme prétexte
Sous le prétexte d’une « transition bas carbone » de bon aloi, c’est en fait d’une promotion de moins en moins discrète et toujours plus intense du nucléaire qu’il s’agit. Quitte à proposer des scénarios improbables sur le plan technique et économique de pénétration massive de l’électricité dans les transports individuels - en particulier sous forme d’hydrogène - et le triplement des exportations d’électricité vers nos voisins européens, avec les problèmes d’extension massive des lignes haute tension transfrontières et les aléas politiques et économiques que suppose une telle stratégie.
Il faut revenir à la raison : une telle aventure est beaucoup plus risquée du point de vue technique, beaucoup plus onéreuse, moins efficace et beaucoup plus longue à mettre en œuvre que des politiques d’économies d’énergie - dont les économies d’électricité - et de développement des énergies renouvelables.
Elle présente des risques majeurs, d’abord pour nos concitoyens, mais aussi pour nos voisins européens : risque d’accident majeur qui augmente avec le dérèglement climatique, risque de restriction de la production en cas de canicule, risque de rupture d’approvisionnement d’uranium d’origine géopolitique, risques provoqués par l’aval du cycle, le démantèlement des centrales et le traitement des déchets nucléaires, risques de prolifération vers les armes atomiques.
Le nucléaire n’est pas une solution d’ici à 2030 ou 2040
À ceux qui pensent que le nucléaire est un « mal », mais un « mal nécessaire », voire indispensable, vu l’urgence climatique, nous disons que cette filière n’a aucune chance d’apporter une solution à la hauteur des enjeux climatiques au niveau mondial dans les délais nécessaires - d’ici à 2030 ou 2040.
La France en s’obstinant seule dans cette voie d’une primauté au nucléaire, s’isolera donc chaque jour davantage dans le concert des nations qui se sont engagées résolument dans une transition énergétique rapide fondée sur les trois piliers que sont la sobriété, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables.
Elle devra en assumer tous les risques qu’elle fait courir à ses voisins, sans en recueillir de profits économiques, tout en retardant d’un bon demi-siècle son entrée dans la modernité énergétique.
Voir les signataires de cette tribune : https://www.alternatives-economiques.fr/non-nucleaire-ne-sauvera-climat/00086499
Aller plus loin : https://www.sortirdunucleaire.org/Non-le-nucleaire-ne-sauvera-pas-le-climat-55777

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