l’exemple de Villevieux, dans le bassin lédonien

Et s’il était possible de protéger un minimum les puits de captage de notre eau ? Exemple à Lons-le-Saunier.

Protéger les zones de captage d’eau potable serait une mission impossible ?

Voilà 30 ans qu’à Lons-le-Saunier, élus et agriculteurs s’efforcent de démontrer le contraire. Depuis 1992, les puits de captage de Villevieux, qui alimentent la ville et ses alentours, font l’objet de diverses protections pour tenter de préserver la qualité de l’eau. Au début des années 90, les taux de nitrates et de triazines dans les eaux de la nappe phréatique poussent les élus à agir. Étude hydrogéologique à l’appui, 200 hectares sont ainsi classés comme zones sensibles.

Dans un premier temps, des conventions sont donc signées avec les agriculteurs volontaires, exploitants de ces terrains. Selon Christine Combe, aujourd’hui chargée de mission agriculture et environnement à l’Espace Communautaire Lons Agglomération (ECLA), plusieurs « coups de génie » ont contribué, à l’époque, à trouver un accord. «L’élu en charge de la gestion de l’eau était un ancien conseiller agricole : il connaissait et comprenait les pratiques. Et il y avait déjà une réelle motivation politique sur le principe du “prévenir plutôt que guérir”».

Le dialogue avec les agriculteurs aboutit à plusieurs engagements

contre une indemnisation compensatrice, sur les 200 hectares définis, la culture de maïs sera interdite, les autres cultures seront conduites en limitant les apports en azote, et des bandes enherbées, non traitées, seront développées près des fossés et des rivières. Une petite révolution à l’époque. Dans l’eau potable, les résultats ne se font guère attendre : les traces de triazines diminuent drastiquement et la teneur en azote se stabilise.

Création d’une filière courte : agriculture bio & restauration collective

Sur cette lancée, à peine dix ans plus tard, le GAEC Carmantrand, qui possède des terres dans la zone sensible entourant le puits de captage, décide de se convertir à l’agriculture biologique. La ville de Lons soutient alors cette démarche, en contribuant à donner un débouché à la production de blé : plutôt que de verser une indemnité, elle choisit alors, sans vraiment s’en rendre compte à l’époque, de développer une « filière » nouvelle. Le principe : produire et consommer local. La cuisine centrale, qui dessert essentiellement les cantines scolaires et l’hôpital, s’engage alors à acheter le pain produit à partir de la farine de blé bio, cultivé sur la zone de captage. Le surcoût engendré est de taille : « 18 000 francs par an, les premières années, rapporte Christine Combe, mais les élus décident alors d’aller au bout de leur logique, confiants dans l’esprit de la démarche non spéculative. » Assez rapidement, la différence de prix s’estompe. Au fil des années, ce modèle de circuit court s’est étendu à d’autres ingrédients : viande bovine, légumes, œufs, farine, lentilles… jusqu’à des pâtes où la démarche est actuellement en cours. « Aujourd’hui, la cuisine centrale travaille avec environ 80 producteurs locaux », rapporte Christine Combe. Et certains se situent non loin du puits de captage de l’eau potable.

La création d’une Déclaration d’Utilité Publique

Entre-temps, sur ce périmètre, la réglementation a évolué : en 2012, une déclaration d’utilité publique (DUP) a été établie. Ce document, qui requiert une procédure et des études relativement longues, définit des usages et des interdictions sur des zones sensibles. Sur le site du captage, elle a mis fin aux anciennes conventions avec les agriculteurs pour les remplacer par des règles similaires : agriculture en bio ou « selon le mode bio » sur 70 hectares, et réduction drastique des entrants chimiques sur les autres parcelles. « Les résultats des analyses d’eau étaient largement satisfaisants, ce qui rendait difficilement compréhensible notre message de vigilance et de faire encore plus », commente Christine Combe « Nous étions conscients que tout n’était pas analysé », constate-t-elle. Le Service Eau continue ainsi à suivre des agriculteurs volontaires dans diverses expérimentations sur les couverts végétaux ou encore les cultures associées, pour chercher à limiter les herbicides. Mais en janvier 2020, le contrôle sanitaire est étendu à de nouvelles molécules. Des métabolites — résidus de pesticides — apparaissent alors dans les analyses. « Enarrêtant les conventions, nous avons ré-autorisé le maïs sur une partie de la zone sensible, explique Christine Combe. Est-ce là la cause de la présence de ces molécules ? Nous recherchons aujourd’hui de nouveau des moyens pour les enrayer. » Forte de 30 ans de dialogue avec les producteurs agricoles, les élus du service de l’eau de l’agglomération lédonienne envisagent aujourd’hui de renforcer les restrictions à travers une nouvelle DUP. L’idée : réserver le périmètre de protection initialement défini, de 200 hectares, à des cultures en agriculture biologique ou à des prairies. Cette mesure suppose de développer des filières pour offrir des débouchés aux exploitants, mais aussi de soutenir le maintien des éleveurs laitiers ou de viande. Mais cette nouvelle DUP vise aussi à étendre la « zone sensible », en amont du captage, à 300 hectares. Sur ces parcelles, un maître-mot : la « souplesse ». « Si, juridiquement, la DUP permet de fixer les prescriptions agricoles, les élus du Service de l’Eau de l’agglomération restent attachés à la concertation avec les agriculteurs », note Christine Combe. Des négociations sont donc en cours, et des indemnisations seront accordées, au moins de manière transitoire, aux exploitants. «Il s’agit de les impliquer, de construire avec eux, en proposant soit de l’agriculture biologique, soit de la prairie, soit une autre pratique qui soit simple à suivre et à contrôler», décrit Christine Combe. Comme interdire le maïs ? «Nous devons identifier quelles autres cultures de printemps de remplacement pourraient être développées. Il appartient aux exploitants agricoles de parler de ce qu’il serait possible de cultiver sur ce type de terres, de s’approprier le problème, ainsi que des solutions durables, permettant d’éviter de nouveaux problèmes.»

Camille Jourdan par Camille Jourdan

Lons-le-Saunier développe une politique volontariste en matière de qualité nutritionnelle et d’équilibre alimentaire à travers sa restauration collective et la promotion du bio dans les assiettes.

Le restaurant municipal de Lons-le-Saunier, c’est 1.200.000 repas par an, 5000 par jour dont 3000 à destination des écoles de la Ville mais également des centres de loisirs, des centres aérés, de l’Hôpital ou encore des restaurants administratifs.

Grâce à une structuration efficace et volontaire pour une alimentation saine, la filière des circuits courts fonctionne à plein régime pour garnir les assiettes. Avec une dominante très forte : le bio. Dans les assiettes, le pain est bio, les laitages, la plupart des légumes sont bio, la viande est bio…

Les actions de protection en quelques dates

1992 : des analyses montrent des traces de nitrates et de triazines dans les nappes phréatiques.

Premières conventions avec les exploitants agricoles, s’appliquant sur périmètre de protection de 200 hectares : interdiction de la culture de maïs, réduction des apports en azote, bandes enherbées non traitées…

2000 : l’un des exploitants se convertit à l’agriculture biologique.

Naissance d’une « filière courte » : le blé produit sur la zone sensible du captage sert à produire de la farine pour le pain servi à la cuisine centrale.

2000 à aujourd’hui : développement des partenariats entre la cuisine centrale et d’autres producteurs locaux

2012 : adoption d’une déclaration d’utilité publique (DUP)

agriculture en bio ou « selon le mode bio » sur 70 hectares, et réduction drastique des entrants chimiques sur les autres parcelles entourant les puits de captage. 2020 : analyses révélant des métabolites dans l’eau

2021-2022 : négociations pour établir une nouvelle DUP, agrandissant le périmètre de protection du captage à 300 hectares.

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