tous concernés
Afin de permettre la mécanisation des pratiques agricoles, des opérations de remembrement ont eu lieu sur tout le territoire français durant les années 1960 à 1980. La France a ainsi perdu 2 millions de km de haies au rythme effréné de 45 000 km par an…
Un remaniement de grande ampleur du paysage s’est traduit localement par le comblement et le drainage de zones humides, par la rectification de chemins, talus, cours d’eau, ainsi que par la perte d’une mosaïque de milieux où se côtoyaient céréales, prairies, vergers, arbres, cultures maraîchères et élevages. Sauf exception, nous passons brutalement d’un foisonnement de petits écosystèmes à de vastes étendues monoculturales avec très peu d’obstacles topographiques. L’arrachage des haies a complètement déstructuré les campagnes françaises. Celles-ci ont en effet continué à régresser à un rythme de 15 000 km par an dans les années 1980-1990. Si leur linéaire semble se stabiliser à peu près aujourd’hui, des actions de replantation se mettant en place un peu partout, ces habitats restent toujours très menacés et les haies bocagères de Bourgogne Franche-Comté n’échappent pas à l’intensification de l’agriculture et aux grands travaux d’aménagement qui conduisent à leur disparition progressive sur des centaines de linéaires. Pour des raisons économiques, leur arrachage « à la hussarde » est de nos jours encore trop fréquent.
La destruction des haies porte un coup très lourd à la biodiversité
La haie, alignement végétal composé d’arbres et d’arbustes se développant sur un tapis de végétation herbacée, est un réservoir végétal et animal où se crée un équilibre écologique entre les différentes espèces. Les haies et les bosquets assurent également de nombreuses autres fonctions d’intérêt général, agronomique (coupe-vent, contrôle des parasites), hydrologique, paysager, de production (bois, fruits). En favorisant l’infiltration des eaux de pluie et en protégeant les terres du vent, les haies préservent la terre des risques de coulées de boue du fait du ruissellement et de l’érosion éolienne. De ce fait, elles limitent aussi les pollutions diffuses de l’air et des cours d’eau engendrées par l’agriculture intensive, les haies situées le long d’un cours d’eau ou ripisylve jouant un rôle d’épurateur et de rétention des berges. Les haies favorisent également la diversité biologique (habitat, refuge, corridor écologique, etc.) et leur arrachage constitue une cause majeure de la disparition des espèces.La destruction est souvent motivée par une réparation de clôture, le besoin de gagner de l’espace pour la culture ou de faciliter la circulation des engins agricoles ...
Protéger les haies et les bosquets
Pour le respect de la faune, notamment lors de la nidification, et du cycle des végétaux, les travaux sur les haies sont formellement interdits entre le 15 mars et le 31 août. De par son statut, la haie est protégée et son arrachage est soumis à autorisation. Il est indispensable de contacter les services de la Direction Départementale des Territoires (DDT) afin de s’assurer du cadre réglementaire avant toute intervention. Les infractions peuvent être constatées par des agents assermentés appartenant aux services de l’État ou aux services du département chargés de l’agriculture, de la forêt ou de l’environnement. L’Office Français de la Biodiversité contribue à l’exercice des polices administrative et judiciaire relatives à l’eau (pollution de la ressource, atteinte aux zones humides ou littorales), aux espaces naturels, à la flore et la faune sauvage (espèces gibier ou protégées, lutte contre les trafics d’espèces), à la chasse (contre-braconnage, renforcement de la sécurité à la chasse) et à la pêche.
Mauvais exemple chez nous… parmi tant d’autres
Mardi 14 avril 2020 vers 11h, les habitants de Rainans ont constaté un feu important au lieu-dit « les corvées rouges ». Le brûlage volontaire par jour de grand vent d’un volume conséquent de branches et arbustes à proximité d’une grange abritant des chevaux a conduit à l’intervention de la gendarmerie d’Orchamps et de l’Office Français de la Biodiversité pour obtenir l’arrêt des opérations. L’exploitant agricole a semble-t-il entrepris de réparer la clôture des parcelles qu’il a rachetées récemment. Le nombre d’ouvriers et d’engins présents sur place, ainsi que la rapidité de l’arrachage de plusieurs centaines de mètres de haies préoccupent tout autant que le non-respect du cadre réglementaire (l’entrepreneur a affirmé être en son bon droit malgré la date des travaux et l’absence de toute déclaration préalable et de demande de dérogation) … L’OFB devra déterminer s’il y a eu atteinte au site de repos ou de reproduction d’une espèce protégée. Probable en cette période de nidification. Le site abrite-t-il encore la pie-grièche grise, un passereau confronté à un risque très élevé d’extinction au sens du classement de l’Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN) ?
D’autres moyens que la seule voie répressive
Si la destruction de l’habitat d’une espèce protégée constitue un délit (puni théoriquement d’une peine qui peut atteindre trois ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende), la peine n’est pratiquement jamais prononcée. On recherche surtout face à ce genre d’infractions, hélas trop fréquentes, la restauration de la fonctionnalité des milieux. La replantation de la haie peut ainsi être parfois obtenue dans le cadre d’alternatives aux poursuites. Par ailleurs à Rainans, les terrains communaux de Chaudes au Loup, dans le périmètre du site Natura 2000 « Massif de la Serre », sont voisins directs de ces parcelles. Ils font l’objet d’une attention particulière. Dans le cadre du dispositif Espace Naturel Sensible du Département du Jura, un projet de conservation de ces pelouses sèches et de valorisation est actuellement en cours. Dans ce contexte bien particulier, il semble indispensable, en lien avec les instances représentatives de la profession agricole, d’assoir à la même table toutes les parties prenantes. Une nécessité lorsque l’on sait que la destruction des habitats naturels est, avec le changement climatique, la principale cause d’érosion de la biodiversité et que cette destruction est en grande partie due à l’agriculture intensive. Un mode d’agriculture qui cumule les pratiques néfastes pour la biodiversité : utilisation de pesticides, drainage des zones humides, monoculture, prairies artificielles et destruction des haies.
Parce qu’ils offrent des fonctions multiples et qu’il s’agit de milieux vivants, les haies et bosquets sont repris au sein de différents codes réglementaires
- Au niveau environnemental, susceptible d’abriter des espèces rares ou fragiles, leur protection est prévue par les articles L411-1, L411-2, R411-1 et R411-2 du code de l’environnement. Ils peuvent bénéficier de mesures de protection renforcées dans le cadre d’arrêtés préfectoraux de protection de biotope. Le non-respect de ces mesures de protection constitue des infractions d’ordre délictuel (L415-3 du CE) ou contraventionnel (R415-1 du CE).
- La Politique Agricole Commune reconnaît le rôle favorable des haies, ainsi que celui d’autres éléments topographiques, pour la biodiversité et encadre les pratiques sur ces zones de transition. Le non-respect de cette réglementation peut entraîner des pénalités de 1 à 5 % des aides PAC.
- Le Code de l’Urbanisme, dans le cadre des documents d’Urbanisme permet de protéger des haies classées au titre du paysage ou du patrimoine dans ses articles L113-1, L151-19 et L151-23.
- Le Code Rural et de la Pêche Maritime, dans son titre consacré à l’aménagement foncier rural et dans le cadre des baux ruraux aborde également les haies et les protections dont elles peuvent bénéficier dans les articles L121-14, L123-8, L126-3, L411-28 et R121-20-1.
- Le Code de la Santé Publique s’assure de la protection de la qualité des eaux, dans certains périmètres de protection de captage, par des prescriptions en faveur des haies et de leur rôle épuratoire et antiérosif dans le cadre de son article L1321-2.
- Le Code Civil, dans ses articles 671 et suivant encadre les distances des haies entre propriétés voisines, ainsi que leur entretien.
Par Pascal Blain, président de Serre Vivante
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