Tout est là ! (dossier)
Pour réussir la transition énergétique, l’action doit de toute urgence être renforcée.
Entre changement climatique, tensions liées aux ressources énergétiques et aggravation des risques sanitaires et technologiques, le poids des choix du passé en matière d’énergie est de moins en moins supportable.
L’heure est à la limitation des risques pour les populations
L’utilisation effrénée des énergies fossiles, le dérèglement climatique, les atteintes à la biodiversité et le recours à des énergies porteuses de risques comme le nucléaire posent la question de la survie de l’Humanité. La catastrophe de Fukushima nous a donné un aperçu de ce que pourrait être un accident de même nature en France. Les solutions sont connues : consommer moins d’énergie — mais pas seulement, car il y a de la matière et de l’énergie dans tout produit — ; consommer mieux en faisant plus attention à l’origine des produits achetés ; produire renouvelable pour ne pas continuer à puiser dans les stocks terrestres. Face aux gaspillages, il convient de s’interroger avant tout sur nos besoins. Appliquer la sobriété énergétique, c’est donner la priorité aux consommations qui répondent à un service essentiel et abandonner celles qui sont superflues. La sobriété nous invite donc à modifier nos comportements en réfléchissant davantage à leurs impacts. Cette évolution de nos modes de vie ne dépend pas uniquement d’actes individuels, mais aussi largement de choix collectifs. Il ne suffit pas, par exemple, de vouloir se déplacer à vélo, encore faut-il que l’aménagement de la voirie le permette.Consommer moins, consommer mieux, produire « renouvelable » pour réduire les risques ...
Sobriété et efficacité : une complémentarité indispensable
Les progrès réalisés grâce à l’efficacité énergétique de nos appareils sont en partie annulés par le manque de sobriété. Par exemple, même si nos véhicules consomment de moins en moins de carburant pour un même trajet, nous parcourons des distances de plus en plus importantes et ne réduisons donc pas notre consommation de carburant.
Pour une société plus juste et plus durable
La sobriété, notion inscrite à l’article 1 de la loi sur la transition énergétique depuis 2015, est un élément incontournable de la transition énergétique. Progressivement reconnue et prise en compte par de nombreux acteurs, elle reste trop souvent mal comprise et certaines idées reçues freinent son acceptation et sa mise en œuvre. La sobriété se heurte encore à certaines habitudes très ancrées dans nos sociétés, assimilant notamment le confort, voire le bonheur, à l’accumulation de biens en tout genre. Cette vision est remise en cause par de plus en plus de personnes qui pensent qu’une autre organisation de la société est à la fois indispensable, souhaitable et possible. La crise sanitaire permet à chacun de mieux évaluer ce qui est indispensable et ce qui ne l’est pas véritablement. Consommer moins pour permettre à ceux qui en ont besoin de consommer suffisamment est aussi un moyen d’éviter les conflits liés à l’énergie et à l’extraction des ressources.Un mix 100 % énergies renouvelables et la neutralité carbone dès 2050, moins de pics de pollution, la sortie du nucléaire… C’est possible ! Scénario NégaWatt, 2017.
En savoir +> https://negawatt.org/La-sobriete-energetique
Quel monde pour nos enfants ?
Les énergies renouvelables, énergies de flux, on ne les prend à personne. Ni aujourd’hui ni à ceux qui viendront après nous. Mieux : plus on en utilise, plus les prix des technologies baissent et davantage de monde peut y avoir recours, partout sur la planète. Elles n’exacerbent pas les tensions géopolitiques. On ne fait pas la guerre pour elles. Elles nous donnent plus de souveraineté, dans le sens de pouvoir maîtriser ce qui concerne notre quotidien et notre avenir. Elles sont très peu émettrices de gaz à effet de serre, et encore moins de particules polluantes. Sans risques majeurs, elles ne laissent pas de déchets dangereux pour des millénaires à venir.
LES RENOUVELABLES DANS L’UNION EUROPÉENNE
En 2009, l’Union européenne s’est fixé comme objectif à l’horizon 2020 d’atteindre 20 % d’énergies renouvelables dans sa consommation totale d’énergie. En 2017, cette part s’élevait à 17,5 % avec de fortes disparités entre les pays. La Suède a mis la barre haute à 49 %, et Malte beaucoup plus bas à 10 %. La Suède, bonne élève, est le pays qui consomme le plus d’énergies renouvelables en 2017, dépassant déjà son objectif 2020 de plus de 5 points. À l’inverse, les Pays-Bas et le Luxembourg comptent seulement respectivement 6,6 % et 6,4 % d’énergies renouvelables dans leur consommation finale d’énergie.
En France, des actes bien loin des discours…
La France ambitionnait 23 % de renouvelables dans sa consommation totale d’ici 2020. En 2017, cette part ne s’élevait qu’à 16,3 %, bien en dessous de la trajectoire définie pour atteindre l’objectif. Depuis 10 ans, quel que soit le gouvernement en place, on constate en effet un retard systématique qui concerne à la fois les composantes électrique et thermique. Dans le classement des 28 pays de l’Union, la France occupe la quinzième position en 2017. Mais si 11 des 28 pays avaient déjà atteint ou dépassé leur propre objectif à cette date, celui-ci ne sera pas atteint par la France, parmi les plus mauvais élèves de la classe avec les Pays-Bas environ 8 points en dessous de l’objectif, l’Irland et le Royaume-Uni qui sont éloignés d’environ 5 points. Le bouquet énergétique de l’UE qui a adopté en 2018 un nouvel objectif contraignant, pour 2030 reste largement dominé par le gaz, le pétrole et le charbon. À partir de 2020, les pays membres de l’UE devront porter à 32 % la part des renouvelables dans la consommation totale d’énergie d’ici à 2030.
Sortie du nucléaire en Allemagne : trois contre-vérités
Après l’accident de Fukushima, l’Allemagne a pris en 2000 la décision de sortir du nucléaire. Durant la période 2000-2018, la baisse de la production d’origine nucléaire de -94 TWh a été largement compensée par l’augmentation de la production d’origine renouvelable, essentiellement par l’éolien et le photovoltaïque, de +191 TWh. Dans le même temps, la production d’origine fossile (charbon, lignite, gaz essentiellement) a diminué de -33 TWh. Sur cette même période les émissions de gaz à effet de serre liées à la production électrique ont diminué de 16 %. Par ailleurs, l’Allemagne n’a pas eu à dépendre d’importations d’électricité de France. Au contraire, ses exportations nettes vers la France ont toujours été positives sauf en 2011, année de l’arrêt de huit réacteurs électronucléaires après l’accident de Fukushima. Les statistiques de la base de données Eurostat sont sans appel : la rumeur largement répandue en France suggérant un recours massif aux énergies fossiles est un mensonge, une infox!
https://journaldelenergie.com/nucleaire/contre-verites-allemagne-sortie-nucleaire
BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ, BIENTOT RÉGION À ÉNERGIE POSITIVE
Aider et accompagner les propriétaires
Tous les habitants propriétaires de leur logement peuvent solliciter l’aide de la Région pour leurs projets de rénovation, en vue d’atteindre de meilleures perfor-mances énergétiques. Ils sont, pour cela, épaulés par le Service public de l’efficacité énergétique (SPEE), désormais dénommé service Effilogis — maisons individuelles. Ce service propose de faire réaliser, en premier lieu, un audit énergétique du logement (qui coûte 800 €, financé à hauteur de 650 € par la Région) par un bureau d’études thermiques, pour dispo-ser des meilleurs conseils permettant d’at-teindre les performances BBC. Isolation, ponts thermiques, qualité des portes et fenêtres, système de chauffage et de pro-duction d’eau chaude sanitaire… tout est passé en revue. Le thermicien propose une liste de travaux, avec une estimation des économies réalisées et des réductions d’émissions occasionnées. Liberté est laissée d’effectuer ces travaux, ou non, sachant que la Région octroie une aide pouvant aller jusqu’à 9 000 € pour les publics « très modestes ».
Part des énergies renouvelables dans la consommation électrique en 2018
Accélérer le déploiement des énergies renouvelables
Le scénario « Région à énergie positive » porté par le Conseil Régional prévoit un développement important de toutes les EnR. Ces politiques régionales visant à favoriser la production d’énergies renouvelables sont inscrites au contrat de plan État-Région (CPER) en lien étroit avec l’ADEME et portent essentiellement sur le financement d’opérations de sensibilisation et d’animation, d’études de faisabilité, d’investissements pour les filières : bois énergie, méthanisation, solaire thermique et micro-hydroélectricité, au regard notamment du potentiel que représentent la couverture forestière de la région, l’activité agricole d’élevage et le réseau hydrographique. Par ailleurs, la Région a fait le choix d’intégrer plusieurs SEM locales : SEM Nièvre Énergie, SEML Côte-d’Or Énergies et la SEM Énergies Renouvelables Citoyenne en vue de développer aussi les EnR électriques qui ne peuvent pas faire l’objet de subventions directes, les dispositifs d’intervention étant essentiellement nationaux à travers l’obligation de rachat de la production par EDF.
Encourager la mobilisation citoyenne
Enfin, la Région souhaite encourager la mobilisation citoyenne dans la transition énergétique qui est une condition de sa réussite, de l’acceptabilité des projets et des retombées économiques et sociales pour le territoire. C’est dans cet objectif que la Région s’est impliquée dans la construction des SEM locales, de la SCIC Jurascic et finance des missions d’accompagnement au développement des énergies renouvelables participatives et citoyennes.
En savoir +> https://www.infoenergie-bfc.org/
LES DIFFÉRENTES FILIÈRES D’ÉNERGIES RENOUVELABLES
HYDRAULIQUE
Avec plus de 2000 installations, la France est, avec la Suède, l’un des principaux pro-ducteurs d’énergie hydraulique de l’Union européenne. L’hydraulique représente environ la moitié de la production brute d’électricité renouvelable en France. Cette production dépend fortement du débit des cours d’eau et plus généralement de la plu-viométrie. Il existe plusieurs types d’installations selon le site d’implantation : fleuve (centrales de basse chute qui produisent sans cesse, au fil de l’eau), retenue (centrales de moyenne chute qui fonctionnent par écluses) ou lac de montagne (centrales de haute chute).
ÉOLIEN
La production d’électricité éolienne n’a cessé d’augmenter depuis le milieu des années 2000, date à laquelle la filière a véritablement démarré. La taille des instal-lations est assez diverse, celle-ci pouvant varier d’une microéolienne de quelques dizaines de kW à un champ éolien de plusieurs mâts doté d’une puissance de plusieurs dizaines de MW.
SOLAIRE PHOTOVOLTAÏQUE
La filière solaire photovoltaïque s’est fortement développée en France à partir de 2009 grâce au soutien de l’État. Hélas, la baisse brutale des tarifs d’achat photovoltaïque en 2010 a marqué un coup d’arrêt, détruisant l’économie naissante : l’emploi a été divisé par 2 ! La filière a néanmoins bénéficié au cours des dernières années d’une baisse sensible du prix des modules photovoltaïques. Si on veut réaliser une installation de 3 kWc, il faut selon le type choisi 10 à 12 modules, soit une surface d’environ 17 à 20 m2.
SOLAIRE THERMIQUE
Particulièrement développée dans les DOM, notamment à La Réunion, où la filière y représente les deux tiers des énergies renouvelables consommées pour produire de la chaleur, contre moins de 1 % en métropole. Si le solaire thermique a multiplié par cinq sa production énergétique depuis 2003, le développement de la filière s’est considérablement ralenti ces dernières années et les ventes d’équipements continuent de diminuer. Il existe trois types de capteurs : vitré (le plus utilisé), souple et sous vide.
GÉOTHERMIE
La géothermie est principalement exploitée sous forme de chaleur, essentiellement en Île-de-France, en Nouvelle-Aquitaine et, depuis juin 2016, dans le bassin rhénan avec la nouvelle centrale de Rittershoffen (67). La production d’électricité issue de la géothermie dite « profonde » se concentre en revanche principalement en Guadeloupe : la centrale électrique géothermique de Bouillante exploite ainsi la chaleur d’origine volcanique du massif de La Soufrière. Désormais, la géothermie profonde concerne également le site alsacien de Soultz-sous-Forêts (67), qui servait de laboratoire de recherche et d’expérimentation jusqu’à sa mise en production industrielle en juin 2016. Les pompes à chaleur puisent des calories dans le sol ou les eaux souterraines (on parle de géothermie de « très basse énergie » [températures inférieures à 30 °C]. Le parc installé en France continue de croître, tiré notamment par les ventes d’appareils qui puisent la chaleur dans l’air grâce à un compresseur électrique. Mais peut-on encore parler d’énergie renouvelable quand derrière se cachent les centrales nucléaires ?
BIOMASSE
Celle-ci est très majoritairement, à 93 %, destinée à produire de la chaleur. Le ren-dement observé lorsqu’elle est utilisée pour produire de l’électricité est en effet très mauvais. Cela n’empêche hélas pas quelques grands groupes industriels d’envisager la construction de centrales électriques gigantesques comme à Gardanne (13). Une des deux unités de cette centrale thermique au charbon a été reconvertie à la biomasse en 2018 [puissance : 150 MW], soulevant la question de l’approvisionnement en bois [du bois de la forêt de Chaux est acheminé jusqu’en Provence !]. L’absence de récupération de la chaleur résiduelle est largement critiquable… Alors qu’Emmanuel Macron a décidé de la fermeture des 4 dernières centrales à charbon de France d’ici à 2022, les sites concernés se mobilisent pour leur survie ! Le bois est l’énergie renouvelable la plus répandue en France dans le secteur résidentiel. À noter qu’en dehors des variations de consommation dues à la météo, la consommation moyenne de bois par logement utilisant cette énergie diminue, en raison notamment de l’amélioration significative de la performance des appareils de chauffage.
DÉCHETS DES MÉNAGES
Par ce que l’on ne savait pas où la prendre en compte et sous la pression des industriels de l’incinération, l’Agence internationale de l’énergie [AIE] propose de comptabiliser la production d’électricité ou de chaleur à partir des déchets urbains pour moitié comme renouvelable. Stupéfiant lorsque l’on sait que la matière organique [potentiellement valorisable] peut représenter jusqu’à 100 kg/habitant/an, soit près d’un tiers de notre poubelle et qu’elle contient 60 à 90 % d’eau… Cela rend l’incinération difficile sans l’utilisation de combustible fossile, même si les matières plastiques, dérivées du pétrole, ont un fort pouvoir calorifique. De fait, avec une politique « zéro déchet » efficace, cette ressource devrait peu à peu se tarir.
AGRO-CARBURANTS
Les agro-carburants représentent 10,1 % de la production primaire d’énergies renouvelables en France, ce qui en fait la troisième source renouvelable derrière la biomasse solide et l’hydraulique. L’agro-diesel représente près de 84 % de la consommation des agro-carburants, contre 16 % pour l’agro-éthanol.
VIVE LE VENT !
MIEUX COMPRENDRE TENANTS ET ABOUTISSANTS
L’énergie éolienne est dérivée de l’énergie solaire, elle tire son nom d’Éole, le nom donné au dieu du vent dans la Grèce antique. C’est une source d’énergie renouvelable parmi d’autres et elle ne saurait à elle seule couvrir tous les besoins énergétiques. De fait l’implantation de machines géantes n’est pas envisageable partout et doit faire l’objet d’études au cas par cas. Par exemple pour prendre en compte la biodiversité, les sites protégés, les zones humides très fréquentées par les oiseaux, les axes migratoires importants doivent impérativement être évités. C’est néanmoins l’un des principaux leviers permettant de parvenir dans les délais et à moindre coût à la réalisation des objectifs que s’est fixée l’Union Européenne pour 2030 : 32% d’énergies renouvelables dans la consommation globale d’énergie.
Localement, autour du massif de la Serre, plusieurs projets ont été étudiés, certains abandonnés ou retardés, comme celui du parc éolien Jura Nord La Comtoise, initié en 2013 par le groupe Velocita Energies et le développeur Opale Énergies Naturelles, en partenariat avec la Communauté de Communes Jura Nord et les communes de Gendrey, Sermange et Saligney. Celui-ci est aujourd’hui contesté par des opposants qui ont obtenu le 30 janvier 2020 l’annulation de l’autorisation préfectorale accordée en 2017. D’autres parcs éoliens sont déjà en production comme celui du Lomont dans le Doubs, le tout premier de Franche-Comté, ou celui de Chamole dans le Jura.
Serre Vivante a déjà abordé le sujet à plusieurs reprises dans son bulletin. L’association, séduite par l’originalité de la démarche, a apporté son soutien à la création de la Société d’Économie Mixte Énergies Renouvelables Citoyenne. En janvier 2020, les participants à l’assemblée générale de l’association ont retenu l’idée d’organiser une visite sur site du parc de Chamole pour permettre, sans polémique, à chacun de rencontrer les élus et acteurs de ce territoire, pour comprendre leurs motivations et leur engagement dans cette aventure, mieux comprendre les enjeux et caractéristiques de cette énergie du vent. En attendant ce rendez-vous, le présent dossier vous apportera nous l’espérons quelques éléments de réflexions.
CHAMOLE, UN PROJET PAS TOUT À FAIT COMME LES AUTRES
À Chamole, une éolienne citoyenne de 3 MW produit aujourd’hui 6 300 MWh par an, soit la consommation électrique annuelle de 6300 personnes (hors chauffage).
Une dynamique citoyenne
À partir de 2011, impulsée par Jean-Louis Dufour, maire de Chamole, l’association Vents du Grimont a bâti une dynamique citoyenne (ancrage local, exemplarité environnementale, gouvernance transparente et démocratique, visée non spéculative) en lien avec collectivités et acteurs de l’économie sociale et solidaire pour acquérir une des six éoliennes du parc de Chamole, alors en cours de développement par l’entreprise privée Intervent. Tous sont convaincus qu’il faut garder les bénéfices de cette activité sur leur territoire, les utiliser pour encourager une incontournable baisse de notre consommation d’énergie, pour protéger notre environnement et améliorer notre qualité de vie. En juillet 2015, fort du considérable travail d’information et de concertation réalisé, le projet obtient toutes les autorisations administratives. Le parc de Chamole, construit par Enercon, est désormais en service depuis décembre 2017. Le rachat de l’éolienne de 3 MW par un collectif d’acteurs (la Société d’Économie Mixte Énergies Renouvelables Citoyenne, la coopérative JuraSCIC, la commune de Chamole, ERCISOL et Énergie Partagée) a été finalisé le 19 décembre 2018. L’éolienne est exploitée par Sabine 2, la société de projet qu’ils ont rachetée (budget de 4,7 millions d’euros). Plusieurs centaines de personnes sont aujourd’hui copropriétaires de l’éolienne, au travers des sociétés citoyennes Jurascic, ERCISOL et Énergie Partagée. Le soutien au projet de Chamole n’est qu’une première étape : la mise en place de la SEM et de JuraSCIC, structures financières adaptées, doit maintenant faciliter l’émergence d’autres projets de production d’énergie renouvelable, qui pourront les utiliser.Pourquoi l’argent gagné par l’exploitation des gisements de vent, de soleil, d’eau ne profiterait qu’à quelques-uns ?
Utiliser la force du vent pour faire de l’électricité
Les éoliennes fonctionnent à des vitesses de vent généralement comprises entre 10 et 90 km/h. Un système permet d’orienter la nacelle afin que le rotor soit toujours face au vent. Les pales de l’éolienne captent la force du vent et font tourner un axe (le rotor) de 10 à 25 tours par minute. L’énergie mécanique ainsi créée est transformée en énergie électrique par un générateur situé à l’intérieur de l’éolienne, dans la nacelle. Cette électricité est ensuite convertie pour être injectée dans le réseau électrique par des câbles souterrains.
Des éoliennes industrielles
Les éoliennes de Chamole, avec une hauteur de 193 mètres, sont des éoliennes industrielles. « Pourquoi ne pas les faire plus petites ? », questionnent parfois certains, soucieux des paysages. Sur le site marchand chinois Alibaba, chacun peut acheter des machines de 300 KW, soit dix fois moins que chacune des six du parc de Chamole (elles ont tout de même un diamètre de pale de 28 mètres !). Si arithmétiquement, on pourrait penser qu’il en faudrait 10 fois plus, soit 60 au total, leur efficacité bien moindre en raison de la faible ressource en vent à leur hauteur du sol fait que pour produire la même quantité d’électricité il faudrait en construire entre 20 et 30 fois plus! Qui serait d’accord pour accueillir 120 à 180 machines sur un même site ? Quid des fondations? Des chemins? Des oiseaux et des chauves-souris? De la forêt et des espaces agricoles? Sans compter l’impact sur le coût de production : qui serait acheteur d’une électricité hors de prix ? Seul l’accroissement de la taille peut faire baisser les coûts. Par ailleurs il est indispensable de développer le photovoltaïque en toiture, sur toutes les toitures disponibles, petites et grandes, individuelles et collectives. Pourquoi la loi n’oblige-t-elle pas depuis longtemps déjà les aménageurs de zones industrielles et commerciales à n’accueillir que des bâtiments équipables de panneaux solaires ? Trop légères pour des raisons d’économies, celles-ci ne sont généralement pas adaptées.
Mais il faut garder en tête les ordres de grandeur. Une production équivalente à celle des 6 machines de 3 MW du parc de Chamole en photovoltaïque nécessiterait une surface de 21,6 hectares. En se limitant à des maisons individuelles, il faudrait plus de 10 000 toitures solaires de 20 m2 (3KWc). Pas impossible. Mais nous avons besoin de l’un ET de l’autre car ils sont vraiment complémentaires selon les saisons (cf. schéma ci-dessous) : il est clair pour tous qu’il y a plus de soleil en été et plus de vent en hiver ! L’énergie éolienne est une énergie intermittente dépendante de la présence de vent, ce problème peut être en partie résolu grâce aux possibilités de stockage de l’énergie et à la répartition des parcs éoliens sur le territoire permettant d’obtenir une valeur moyenne du gisement éolien.Pour l’intérêt collectif, au profit du territoire La société coopérative d’intérêt collectif Jurascic a été créée en septembre 2016 pour susciter et organiser la collecte des investissements citoyens, pour les centraliser et les investir dans des projets d’énergies renou velables, à commencer par l’éolienne de Chamole. À l’été 2018, Jurascic avait déjà collecté 394 000 € auprès d’environ 650 personnes du territoire rassemblées dans 36 clubs d’investisseurs, dont un né dans le massif de la Serre !
La participation financière des citoyens
Une pratique courante en Allemagne et au Danemark. En Allemagne, plus de 50 % des capacités de production d’électricité avec des énergies renouvelables installées entre 2000 et 2010, sont détenues par des citoyens (dont 11 % par des agriculteurs). En France, 300 projets d’énergies renouvelables citoyens sont en cours de développement ou en exploitation. Parmi eux, 12 parcs éoliens contrôlés par les citoyens et les collectivités sont en fonctionnement (production de 82 MW), la dynamique s’accélère et 43 nouveaux projets sont en développement !
Même si l’investissement dans un parc éolien garantit des revenus stables, la rentabilité de l’investissement n’est souvent pas la première motivation des citoyens qui s’engagent. En effet, les projets citoyens ont de nombreux autres bénéfices pour un territoire et ses habitants.
Les oiseaux se cachent-ils pour mourir ?
Avant d’implanter un parc éolien, des études sont réalisées pour analyser le comportement des oiseaux et des chauves-souris. Cela est nécessaire pour définir la zone d’implantation : l’installation doit se faire hors des couloirs de migration ou des zones sensibles pour les oiseaux nicheurs. Il existe par ailleurs des systèmes de bridage des éoliennes en période de forte activité des chauves-souris. Tous les parcs éoliens font l’objet d’un suivi régulier de la mortalité de ces espèces, il s’agit de mesurer et de contrôler l’impact du fonctionnement sur l’avifaune et l’efficacité des dispositifs mis en œuvre. Des travaux sont menés par l’ADEME en partenariat avec l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature, la Ligue de Protection des Oiseaux et le Muséum National d’Histoire Naturelle pour réduire encore le taux de mortalité des oiseaux et des chauves-souris. À Chamole, un dispositif d’effarouchement envoie des sons dès qu’un oiseau est à l’ap-proche. S’il ne modifie pas sa trajectoire, l’éolienne s’arrête très rapidement en faisant pivoter ses pales pour échapper à la prise au vent. Des études sur le terrain sont confiées à un bureau indépendant afin d’effectuer un comptage de la morbidité. Ainsi, de février à novembre 2019, une visite hebdomadaire a été réalisée, soit 38 au total. Le rapport fait apparaître la mort de 11 oiseaux pour les 6 éoliennes, dont aucun d’espèce protégée et de 6 chauves-souris. Avant de démarrer l’étude, des poussins morts sont dispersés sur le site afin de mesurer leur prédation entre deux visites. Le taux de disparition ainsi déterminé sert ensuite à corriger les comptages. Les chats, puis les façades vitrées restent de très loin les causes principales de morbidité des oiseaux. Que dire des véhicules et des lignes électriques? Concernant les chauves-souris, le bridage préventif des machines a été prédéfini, afin que du 1er mai au 30 septembre elles puissent chasser sans danger auprès des éoliennes. Celles-ci sont mises à l’arrêt dès que les conditions de sortie sont réunies : entre le coucher au lever du soleil, dès que la température dépasse 13 °C et que la vitesse de vent est inférieure à 6 m/s. Le coût du suivi environnemental s’élève à environ 120 000 €/an.
Éoliennes et agriculture font bon ménage
Les vaches ont obligation de pâturer deux fois par jour. Le chantier a dû se mettre au diapason. Sur 6 éoliennes, 3 sont situées sur des terres agricoles et celles-ci n’ont en rien changé les habitudes des montbéliardes. L’aménagement et la réhabilitation de chemins utiles au chantier permettent désormais des accès plus faciles aux terrains. Pendant toute la durée des travaux et depuis la mise en service des éoliennes, une ouverture d’esprit généralisée apparaît. La rencontre visiteurs/locaux génère de nombreux échanges sur l’agriculture et l’AOP Comté notamment. Et les éoliennes font désormais partie du patrimoine local. Ce n’est pas Christophe Defert, président de la Coopérative de Plasne Barretaine — notamment célèbre pour avoir envoyé du Comté dans l’espace avec Thomas Pesquet — qui dira le contraire. En tant qu’actionnaire de JuraSCIC, la coopérative fromagère est un des co-propriétaires de l’éolienne citoyenne de Chamole. L’éleveur, membre du GAEC des Fontaines Blanches qui exploite des prés et pâturages situés aux pieds du parc éolien, déclare « Après deux années d’exploitation du parc éolien, aucun critère technico-économique — reproduction, fertilité, production — ne s’est dégradé. 2019-2020 est même une année record au niveau de la production laitière : presque 800 000 litres pour le GAEC. Mais là honnêtement, je crois que les éoliennes n’y sont pas pour grand-chose, nos systèmes AOP sont très liés à la nature et à la météo. »
AMANGE, LE SOLEIL BRILLE !
Le Conseil Municipal, dans sa continuité à vouloir agir pour la transition énergétique, après avoir installé des ampoules basse consommation et éteint l’éclairage public entre minuit et 5 h, a eu l’idée de louer les toits communaux pour produire de l’énergie renouvelable.
Un toit solaire pour les bains douches
La commune a fait appel à la Fruitière à Énergie de Quingey pour l’accompagner. Cette coopérative, agréée Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale, mobilise localement des compétences humaines et financières pour assurer la transition énergétique. La toiture du bâtiment communal des Bains Douches devait être refaite. L’installation d’une centrale photovoltaïque de 6KWc a été confiée à la société Jura Énergie Solaire. Celle-ci est raccordée au réseau électrique depuis janvier 2020. La production d’énergie par le biais de ressources renouvelables publiques est incontournable pour opérer la transition énergétique. Alors que les diminutions de dotations aux communes peuvent rendre difficiles les investissements, le SIDEC du Jura a mis en place un dispositif incitatif de Fonds de Concours pour la promotion des toits solaires et contribué au financement de la centrale d’Amange dont le coût global s’élève à 15000 € à hauteur de 3 000 €. La revente de la production électrique devrait générer une recette annuelle de 1 000 €. La commune amortira ainsi son investissement sur 7 ans, compte tenu de l’économie réalisée par le non-remplacement des tuiles estimé à 5000 €.
et encore du solaire à la salle des fêtes !
La Fruitière à Énergie a réalisé l’installation d’une seconde centrale pho-tovoltaïque de 9KWc sur le toit de la salle polyvalente. La société propose en effet un système de co-toiturage : elle équipe en panneaux solaires des toits de bâtiments publics, mais aussi ceux d’entreprises et de particuliers, pour produire de l’énergie verte, revendue aux distributeurs d’électricité. La Fruitière s’occupe de tout : prêt à la banque, installation et revente de l’énergie. La production de la centrale, mise en service le mardi 5 novembre 2019, correspond à la consommation électrique de 3 ménages hors chauffage et hors eau chaude. L’investissement de la société coopérative sur ses fonds propres sera financé grâce à la revente de la production électrique pendant les 20 prochaines années. Le bail précise qu’à ce terme l’installation reviendra à la commune qui pourra poursuivre l’exploitation à son profit. La commune est devenue sociétaire de la coopérative en achetant une part de 500 €, elle pourra comme tout associé participer aux décisions lors de l’assemblée générale, au comité de gestion. Le montant de la location du toit de la salle des fêtes sera réinvesti sous forme de parts nouvelles dans la Fruitière afin de promouvoir son travail et d’autres actions locales concrètes, durables, porteuses de sens.
Chaufferie bois et réseau de chaleur
Une étude d’opportunité a montré la faisabilité d’un réseau de chaleur à partir d’une chaufferie automatique au bois déchiqueté installée à la Maison Familiale Rurale. Outre les besoins de la MFR, l’installation pourra permettre de chauffer la Mairie, l’école, les deux logements communaux et la salle polyvalente. Le chantier dont le coût avoisine 300000 € est subventionnable à 70 % par le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Conseil Régional de Bourgogne Franche-Comté et le Conseil départemental du Jura. Il est encore possible aux riverains du futur réseau de bénéficier de cette installation : d’urgence se renseigner en Mairie.
Par Pascal Blain, président de Serre Vivante
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