les vignobles du pays des avant-monts n’ont jamais connu la célébrité de ceux de la Bourgogne ducale voisine vers laquelle ils regardent …
Ni même la notoriété de ceux du vignoble jurassien, de Poligny, Arbois, Château-Chalon ou du clos de Blandans. C’est pour cela qu’ils sont dits « vignobles secondaires du comté de Bourgogne ». Ils n’en ont pas moins constitué dès le XIIIème siècle des plantations aptes à pourvoir les habitants en vin courant. Ce pays connut d’ailleurs une certaine « célébrité » quant à son vignoble jusqu’à la terrible crise du phylloxéra à la fin du XIXème siècle. Le culte rendu ici à saint Vernier a persisté depuis le XVIème siècle. Une replantation a été effectuée sur le territoire d’Offlanges dans les années 1980.
La vigne à la période médiévale
La documentation qui subsiste - documents issus des fonds ecclésiastiques et religieux, registres des comptes du domaine comtal surtout - nous montre la présence et la répartition de nombreuses parcelles de vigne dès le XIIIème siècle, de Dole à Montmirey-le-Château, sur les coteaux des avant-monts. Si nombre de parcelles étaient possédées par des hommes et des femmes issus de divers milieux, cultivées à « cens ou à fruits », tout un peuple de vignerons professionnels, s’affairait à leur entretien, vignes particulières ou comtales, puisque dans ces terres le domaine est relativement présent et se développera, par l’entrée de la châtellenie de Rochefort dans celui-ci en 1369, et la réintégration de celle de Montmirey à la fin du XIVème siècle. Les XIVème et XVème siècles sont bien entendu les mieux documentés.
Une implantation du vignoble dès le XIIIème siècle
Le pays des avant-monts, entre Dole et Montmirey-le-Château, est constitué d’un ensemble de collines et de petites dépressions, résultat du bombement provoqué jusqu’ici par le plissement alpin. Les sols minces se réchauffent vite sur les pentes exposées au Midi. La topographie et le substrat géologique, l’exposition favorable, expliquent donc que les corniches surplombant le rivage du Doubs, les collines plus à l’intérieur, soient des endroits privilégiés pour la croissance de la vigne, qui constitue ainsi un élément du paysage au-delà des murs. On rencontre des vignes dans cet espace depuis le début du XIIIème siècle. Ainsi, Renaud dit Saillenbien de Dole concède à Cîteaux deux vignes en 1218, l’une « en Vallornaiche », l’autre « en Playmont » : elles constituent les plus anciennes mentions rencontrées ici. Quand Théobald dit de Emeste, demeurant à Rochefort, fait un don de 20 livres afin d’achever la voûte de l’église en construction à Rochefort, celui-ci est garanti par une « grande vigne » et d’autres biens ; de même il concède « un muid de vin » pour la célébration d’anniversaires en la même église. Les dîmes de Montmirey-le-Château, tant en blé qu’en vin, que le chevalier Aymé de Montmirey concède pour 4 livres à l’abbaye d’Acey en avril 1256, ou encore le don que l’écuyer Regnaut de Montmirey fait à Notre-Dame d’Acey de toutes les dîmes de blé et de vin qu’il tient à Montmirey-le-Château et la Ville, à Brans et Offlanges en juin 1300.
La vigne et les malheurs des temps.
Bien entendu ce vignoble fut particulièrement mis à mal par les conséquences des drames du XIVème siècle mais aussi de ceux de la fin du XVème siècle - mauvais temps, peste, guerres - qui, dans ce secteur, amoindrirent temporairement l’exploitation par la disparition des tenanciers, et limitèrent les revenus que l’on pouvait en tirer. La peste noire et les chevauchées des Compagnies ont en effet perturbé la vie de ce vignoble : on perçoit ceci dans le fonds de Cîteaux où l’on fait état de vignes « en toppe » ou « en désert », dans la seconde moitié du XIVème siècle et jusqu’au début du XVème siècle. Dans un autre acte publié en septembre 1404, le bourgeois de Dole, Belin de Sampans, reconnaît devoir à Marguerite de France, à titre de cense, 12 deniers pour un journal de vigne « en désert », à Sampans. Le mauvais temps tout autant affecte la vie du vignoble. Dès la fin du XIVème siècle des coups de froid de fin d’hiver et de printemps gèlent les vignes, comme en 1371 et 1381. Mais c’est surtout au début du XVème siècle que leurs effets sont signalés comme les plus nombreux. Ainsi à la fin de l’hiver 1407-1408, les vignes de Rochefort et de Dole sont « cuites et esgelées » : à Rochefort « des vins des vignes de monseigneur a Rochefort pour les vendanges Mil CCCCVIII, néant car elles sont esté cuites et esgelees par le grant yver ».
Vignobles secondaires mais utiles à nos contrées
L’activité viticole fut très présente au cours des deux derniers siècles du Moyen Age entre Dole et l’Ognon. La présence de vignerons « en titre », de tenanciers non exploitants, ou même de clos relevant du comte de Bourgogne, est clairement attestée. Il semble que certains vignobles étaient plus prisés que d’autres, tels ceux de Champvans, Monnières et Sampans, ainsi que ceux de Rainans et Menotey. Les comptes de bailliage montrent bien l’importance que cette source de revenus revêt dans la comptabilité domaniale pour les châtellenies de Dole, Rochefort et Montmirey. C’est d’ailleurs souvent à propos des vignes que l’on fait état des humeurs de l’atmosphère (grêle, vent, gel, pluie), et là aussi que sont cités des vignerons. Quant aux autres sources si elles font souvent état de pièces de vignes chargées de censes et de redevances diverses, servant à garantir des fondations de messes, des rentes, elles n’indiquent que trop rarement des vignerons en tant que tels, et plus encore elles ne permettent guère de dégager un véritable portrait du vigneron de ces pays. La recherche est donc à poursuivre. Et même si elle n’est pas totalement explorée (pour Montmirey et Rochefort), et si elle reste fort lacunaire, la documentation n’en montre pas moins que ces vignobles et vignerons médiévaux sont à l’origine d’un paysage et d’une activité qui a persisté ici jusqu’à l’orée du XXème siècle.
par Jacky Theurot,
Professeur Honoraire en Histoire Médiévale
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