Métiers, savoir-faire, artisanat … épisode 2

Paul, l’éleveur de moutons noirs

La fermette du Mouton Noir se trouve sur le premier plateau du Doubs, à Crosey-le- Grand. Un pays traditionnellement d’élevage bovin, producteur de Comté. Paul Kister s’y est installé voilà bientôt quatre ans avec sa compagne Géraldine, pour élever des moutons et entretenir les différents terrains et vergers autour du village. Avant de s’installer en Franche-Comté, Paul a vécu une douzaine d’années dans les Alpes, à l’association Longo Maï où il a travaillé l’art de la filature. Frontaliers du Jura Suisse, Paul et Géraldine ont opté pour des moutons Brun-Noir du Pays, une brebis suisse très ancienne, mixte laine et viande. Cet animal est bien adapté à l’herbe abondante et au climat local. Historiquement, il habillait les gens du pays d’un vêtement en droguet, un mélange de laine noire et de chanvre. Le Brun-Noir du Pays est issu de différentes races du Jura Suisse de couleur mais, depuis 1925, on a renoncé à ces croisements. Il reste en Suisse quelques troupeaux de plusieurs centaines de brebis mais surtout de petits troupeaux de 20 à 50 brebis, complémentaires des élevages laitiers. Les réformes agricoles poussant à la spécialisation, que deviendront ces petits troupeaux et la diversité génétique qu’ils représentent ? En Franche-Comté, la majorité des troupeaux ovins sont également de petite taille et de nombreux éleveurs proches de la retraite. Pour Paul et Géraldine qui souhaitent développer et diffuser cette race pour sa laine noire, homogène et relativement fine (25-35 microns), il y a urgence à conserver la diversité génétique de cette race à faible effectif, de part et d’autre de la frontière. Si le coeur vous en dit, ils se feront un plaisir de vous faire découvrir leur exploitation et de vous présenter leurs moutons. N’hésitez pas à les contacter si vous souhaitez des agnelles ou des agneaux… tout en sachant qu’ils n’ont qu’un tout petit élevage.

En savoir +> Paul Kister et Géraldine Goulier,

25340 Crosey-le-Grand

kister@no-log.org 06 71 69 88 44 - 09 73 65 11 25

Sophie, la lainière-teinturière

A Champdôtre, petit village de Côte d’Or proche d’Auxonne, Sophie Bertolotti nous accueille dans sa maison au milieu des toisons à trier et des écheveaux multicolores. Sophie a plus d’une corde à son arc. Après un cursus universitaire à Dijon et un séjour aux États-Unis, une agrégation d’anglais en poche et quelques détours … jusqu’à Tahiti pour enseigner, elle rentre au pays pour reprendre un peu plus tard, après un congé parental, un poste au lycée d’Auxonne. Elle décide en 2008 de prendre une demi-retraite… toute relative puisqu’elle se tourne alors vers le yoga qu’elle enseigne maintenant dans différentes associations. Au tournant des années 2000, elle se passionne pour tout ce qui touche aux activités lainières. Son goût pour les couleurs et les plantes l’oriente tout naturellement vers la teinture. Une activité vraiment complexe qui ne lui fait pourtant pas peur, bien au contraire. Elle y voit plutôt un nouveau défi que sa curiosité, son punch, sa soif d’originalité la poussent à relever. Elle se tourne alors vers les teintures naturelles. C’est décidé, elle deviendra teinturière ! Mais plutôt qu’avoir recours à des teintures synthétiques, elle préfère expérimenter à partir de végétaux qu’elle récolte dans la nature environnante - géranium à Robert, saule, gland, reine des prés, tanaisie… - mais aussi des plantes cultivées dans son jardin - camomille, genêts, noix, souci, oeillets d’Inde… - et des épluchures comme les peaux d’oignon, d’agrume ou d’avocat, fanes de carotte ou d’extraits de plantes. C’est dans sa cuisine, dans de grandes bassines, que, telle une alchimiste, elle prépare ses teintures, faisant infuser les plantes qu’elle a cueillies ou ramassées. Attention, Sophie ne travaille pas n’importe quelle laine ! Elle utilise celle de toisons qu’elle a elle-même sélectionnées et débarrassées des impuretés, aidée parfois par des amies dans cette tâche fastidieuse mais nécessaire. Il faut voir avec quelle dextérité elle sort les toisons brutes des curons, les étale sur une table de tri pour en retirer toute forme de souillure ! Ce n’est qu’une fois la laine lavée et dégraissée (en Bourgogne ou en Haute-Loire), puis filée et mise en écheveaux (dans la Creuse ou en Italie) que Sophie procède à la teinture proprement dite. Avant d’y faire macérer les écheveaux, elle s’attelle à la préparation de la laine. Le mordançage consiste à traiter les fibres par immersion dans une solution à base d’alun de potasse, ou de symplocos (un mordant végétal) de manière à ce que la couleur pénètre dans la fibre et résiste mieux à la lumière. Retour à la cuisine, les écheveaux sont immergés dans les bassines de teinture et mis sur le feu. Avec certaines plantes, comme la garance, il faut veiller à maîtriser la température, et remuer la laine en permanence, si l’on recherche une teinte uniforme. Ce n’est qu’après 30 à 60 mn de « cuisson » qu’elle la laisse macérer proportionnellement à l’intensité recherchée de la coloration. Reste alors à rincer abondamment à l’eau claire avant de mettre à sécher. Alice Thiney, actuellement en stage auprès de Sophie, est enchantée de sa formation. « Je n’imaginais pas que ces pelotes de laine colorées, si agréables à tricoter, supposaient un travail aussi complexe. A regarder Sophie oeuvrer, tout semble si facile. Et pourtant, que de compétence et d’attention ! ». Depuis plus d’un an, les fils à tricoter Kamalaine sont proposés dans des fêtes de la laine comme les Journée Nationales de la Laine à Felletin ou des salons tricot comme le KnitEat de Lyon en avril ou KnitwithFriends à Porto en juin.

En savoir +> http://kamalaine.fr

Sophie Bertolotti, 21130 Champdôtre

06 84 79 65 05

Lys et sa ferme pédagogique

C’est avec un grand sourire bienveillant que Lys Mony nous accueille dans sa ferme bourguignonne à Francheville, sur le plateau de Langres, au nord de Dijon. Nous traversons les très beaux paysages du Val Suzon pour parvenir au GAEC l’Abrepin qu’elle gère avec Hubert son mari. S’il permet ici où là quelques cultures céréalières, le plateau de Langres, avec sa mince couche de terre arable, est propice à l’élevage des moutons, « juste de quoi alimenter les cinq cents têtes qui constituent le cheptel de l’exploitation ». Le GAEC est établi sur « une terre qui a vu défiler pas moins de huit générations de Mony ». Lys n’en est pas peu fière, d’autant qu’elle espère bien que l’un de ses enfants reprendra l’exploitation. Son regard s’anime lorsqu’elle parle de ses brebis : des Romanes (autrefois Inra 401 !), une espèce créée par croisement entre la race Romanov d’origine russe et le Berrichon du Cher. La Romane est prolifique : chaque brebis produit deux agneaux et souvent trois par portée, sans intervention humaine et présente d’excellentes qualités maternelles, permettant l’élevage de l’agneau sous la mère avec un lait riche et abondant ! » Si l’essentiel de l’exploitation est tourné vers la production alimentaire de viande ovine, notre éleveuse n’en est pas moins une amie des bêtes. Il faut voir avec quel plaisir elle pénètre dans les enclos et l’affection qu’elle témoigne à ses moutons. Dynamique et infatigable, ce petit bout de femme est capable, comme dans la plupart des métiers de l’agriculture, de mener plusieurs activités de front. Une fois en retraite, l’ancienne institutrice a conservé l’envie d’enseigner et de transmettre aux enfants, mais autrement. Ce doit être une seconde nature chez elle. Sous son impulsion, l’exploitation est devenue une ferme pédagogique appartenant au réseau de l’École en herbe, liée conventionnellement à l’Éducation Nationale. Plusieurs demijournées par semaine, elle accueille des élèves et collégiens, depuis les classes maternelles jusqu’à la cinquième. Rien à voir avec les fermettes pour enfants des villes où sont exposés quelques animaux ! Non, ici, les activités qu’elle mène avec les enseignants s’inscrivent véritablement dans le cadre d’une pédagogie. Durant les vacances scolaires, la ferme est un lieu de découverte pour les enfants des centres de loisirs et des crèches, quand ce ne sont pas les pensionnaires de maisons de retraite et les associations de personnes handicapées ou les particuliers, sur rendez-vous. Lys n’a pas le temps de s’ennuyer ! Ses brebis ont, comme tous les moutons, besoin d’être tondues. Si 90% du produit de la tonte est destiné à l’industrie lainière, le reste lui sert à développer sa passion récente : le feutrage. Cette feutrière carde alors elle-même la laine qu’elle utilise. De façon artisanale, elle recourt à un procédé ancestral, purement mécanique, qui consiste à frotter des fibres de laine en présence de savon, leur permettant de s’accrocher les unes aux autres. D’ores et déjà elle confectionne de jolies pièces (savons feutrés, chaussons pour bébé, décorations pour la maison) et souhaite exprimer plus amplement sa créativité à travers cette activité.

En savoir +> http://labrepin.com

GAEC l’Abrepin, 1 rue du bas de sullier, 21440 Francheville

Jean-Claude Lambert Par Jean-Claude Lambert

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