Métiers, savoir-faire, artisanat … épisode 1
C’est à l’initiative de Serre Vivante qu’ont été réunis dans le cadre enchanteur des anciennes écuries du château de Montmirey-la Ville le 16 juin 2018, de nombreux passionnés de moutons.
Après la sympathique manifestation organisée dans le cadre des journées du Patrimoine de Pays et des Moulins, Serre Vivante, vous propose aujourd’hui de mieux connaître les différents maillons et acteurs d’une chaîne dans laquelle hommes et animaux occupent la place prépondérante.
Le mouton
Le mouton (Ovis aries) est un mammifère domestique herbivore de la famille des bovidés, de la sous-famille des Caprinés et du genre Ovis. L’homme élève le mouton pour sa viande, son lait, sa laine et sa peau avec laquelle on prépare un cuir appelé « basane ». Animal clé dans l’histoire de l’agriculture, le mouton a profondément marqué la culture humaine. Les moutons sont souvent associés aux scènes champêtres. Le mouton figure dans de nombreuses légendes, comme la Toison d’Or et dans les grandes religions, en particulier les religions abrahamiques.
Une espèce répandue
Ce mammifère ruminant est présent, partout à travers le monde, surtout sous sa forme domestiquée. Seules six espèces sauvages existent toujours. Sous le terme générique de mouton, on regroupe l’essentiel de l’espèce ovine : les brebis, les béliers et leur progéniture les agneaux. Les espèces élevées aujourd’hui descendent très probablement d’un mélange de sous-espèces de l’espèce d’un mouflon sauvage, originaire du Moyen-Orient. Les premières traces de domestication de ces animaux remontent à 9 000 avant J.C. Le mouton serait donc une des premières espèces domestiquées après le chien (- 15 000 à – 12 000) et la chèvre (- 9 500 à – 8 500), à peu près à la même époque que le porc (vers – 8 500). L’élevage des ovins a permis aux hommes d’avoir de la viande, du lait et de la laine. Le premier métier à tisser a été découvert en les marchés internationaux ont chuté. Les négociants ont acheté la laine française à bas coût pour l’exporter vers des pays comme l’Inde et la Chine où elle est transformée puis réimportée dans des produits de moindre qualité. Il s’en suit une perte de la valeur marchande et un désintérêt des éleveurs pour la laine des moutons qu’ils considèrent comme une charge … Regain d’intérêt pour le naturel et le « Made in France » Fort heureusement, l’approche du consommateur évolue avec l’inquiétude croissante liée à la production des fibres synthétiques et commence à apparaître un intérêt réel pour les matières naturelles et locales. Ce changement d’attitude permet la réapparition de métiers et savoir-faire tombés en désuétude. C’est ainsi, que l’on redécouvre progressivement l’art de la tonte, du filage, du tissage, du feutrage … grâce à des passionnés n’hésitant pas à s’investir pour réhabiliter des pratiques artisanales. Certains étaient présents le 16 juin dernier à Montmirey-la-Ville, sensibilisant les visiteurs à ces techniques éprouvées appartenant à ce qu’il est convenu d’appeler le patrimoine immatériel de l’homme.
La qualité de la laine, un esprit sain dans un corps sain
La qualité de la laine va dépendre d’un ensemble de facteurs inhérent aux brebis et au contexte dans lequel elles vont évoluer. Descendant d’espèces sauvages et sélectionnées de manière empirique, seules les brebis les plus vaillantes et qui correspondaient au mieux aux critères étaient choisies. De cette manière sont apparues des espèces différentes en fonction des territoires. Ainsi des brebis vivant dans des milieux chauds et secs seront plus sensibles aux maladies si elles sont élevées dans des milieux humides et froids. De la même manière, l’alimentation est primordiale dans la qualité de leur laine. Les brebis sont des ruminants qui ont besoin d’une alimentation frugale. La composition floristique va influer sur la nature de leurs sécrétions, le suint, les rendant plus ou moins grasses et de ce fait rendant les fibres plus ou moins fragiles ou colorées. Aussi, chaque évènement dans la santé des animaux, agnelage, maladie, stress, se traduit par des carences ou des excès qui se répercutent directement dans la nature du suint produit et donc dans la qualité de la laine. La laine poussant de manière continue et étant tondue une fois par an, la santé de l’animal peut se lire dans sa toison.
La toison, un produit complexe, des qualités de matières différentes
La toison est constituée de suint, sécrétions grasses produites par la peau, et de trois types de fibres : la laine, une fibre douce, isolante et hypoallergénique ; le jarre, fibre qui donne à la toison une certaine rigidité et lui sert de charpente; le poil, coiffe la toison constituant une sorte de toiture qui permet, avec le suint de faire ruisseler l’eau et d’imperméabiliser l’ensemble. Chacune des fibres qui composent la toison lui confère des qualités et donc des usages différents. Un pull tricoté à partir de laine «jarreuse» aura tendance à gratter et une laine « poilue» fera des tapis d’une grande résistance. Pour chaque espèce de brebis, une composition de toison différente et des qualités différentes. Il y a la finesse, la douceur, la longueur, la résistance, la brillance ou le lustre, sa capacité à gonfler, sa couleur… autant de caractéristiques variables qui vont permettre des usages différents. Pour faire des vêtements, depuis toujours l’homme a sélectionné des brebis qui présentaient le moins de jarre et le moins de poils possible, avec une fibre de laine résistante, toujours plus fine, toujours plus longue et plus blanche. Pour faire des matelas ou des couvertures piquées la qualité recherchée est le gonflant afin que les ouvrages reprennent leur forme et ne se tassent pas.
La tonte
La toison d’un mouton pèse entre un et deux kilogrammes. Un mouton que l’on ne tondrait pas se retrouverait enveloppé d’un cocon de laine feutrée, sale, humide et moisie. Il est donc tondu au minimum une fois par an, généralement en mai ou juin. En été, les moutons se portent mieux avec moins de laine. La technique de tonte pratiquée par les professionnels permet à l’animal de se laisser aller et de ne pas trouver d’appuis pour se relever. Elle est indolore pour l’animal. Le mouton n’est pas entravé reste libre de ses mouvements. Le tondeur n’utilise pas la force pour contenir l’animal qui ne subit donc qu’un stress minimal. Les moutons sont tondus à jeun pour éviter que la panse ne comprime les poumons et rende la position inconfortable. L’art de la tonte suppose du tondeur maîtrise et habileté afin de ne pas blesser l’animal. Toutefois, malgré son expérience le tondeur professionnel n’est pas à l’abri du risque de coupure. La peau du mouton peut aussi présenter des faiblesses (manque de résistance, boutons, kystes, anciennes blessures, laines sales ou crottées, plis de certaines races…) qui sont la cause de petites écorchures sans gravité. Tous les tondeurs savent désinfecter les petites coupures, comme recoudre et soigner les blessures plus graves. Paradoxalement, la vitesse est la marque d’une parfaite maîtrise de la technique de tonte et du maintien de l’animal. Si le tondeur vient à blesser l’animal, la douleur occasionnée le fait bouger et ralentit la tonte. Les tondeurs les plus rapides effectuent des tontes propres, sans risque de déprécier la laine et sans couper la peau puisqu’ils s’efforcent de suivre au mieux l’anatomie de l’animal afin d’obtenir une laine de meilleure qualité.
Le tri de la laine
Il s’agit dans un premier temps de connaître la race de brebis dont la laine a été récoltée. En fonction de la qualité générale de la laine produite, une destination vers une production spécifique sera décidée et le tri se fera en conséquence : fil pour les textiles fins ou fil pour les textiles rustiques, nappe de laine pour faire des couettes ou du feutre… Ainsi, les brebis Brigasques ont une laine grossière, jarreuse et très solide, leur laine servira à faire des tapis, alors qu’une laine très fine, longue et résistante, produite par le Mérinos d’Arles fera un fil d’une excellente qualité. Ensuite, sitôt tondue, la toison est étendue sur une table de tri : tout d’abord il est nécessaire de retirer les matières végétales, les crottes agglomérées, la peinture, opération sans laquelle la laine et ses sous-produits seraient difficilement utilisables. Ensuite comme la toison présente des qualités de laine différentes sur les différentes parties du corps de l’animal, il convient de les classer. Les parties des flans et des épaules peuvent faire l’objet d’une sélection de premier choix, les cuisses d’un second choix, le dos et les autres parties du corps d’un troisième. Une fois la toison triée, les différentes catégories de laines peuvent être transformées. Avant d’aboutir à un produit fini, la laine peut subir un grand nombre de traitements : le lavage, la teinture, le cardage, le peignage, le feutrage, le filage, le tricotage ou le tissage.
Philippe Pelletier, Authume
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