La petite chapelle de Chassey est dédiée à l’archange Saint Michel.
Une pierre de dédicace sur le mur pignon porte la date de 1576.
Saint Michel terrassant le Dragon est une huile sur toile (H.198 cm / L.112,5 cm) avec un cadre en bois polychromé datée de la 1ère moitié du XVIIIe siècle, inscrite au titre des Monuments historiques le 21 mars 2011. Le projet de restauration a été initié en 2016. Après plusieurs mois dans l’atelier du restaurateur de peinture José Garcia, installé depuis 1986 au Moulin du Château de Filain en Haute-Saône, le tableau a retrouvé en juin 2017 sa place originelle sur le panneau central du retable partiellement conservé et modifié au fil du temps, encadré par deux statues en pierre polychrome du XVIe siècle représentant Saint Michel et l’Éducation de la Vierge.
Protecteur et défenseur de l’Église
La composition s’inspire du tableau de Guido Reni peint en 1635 pour l’église de Santa Maria della Concezione (église de l’ordre des Capucins de Rome), qui fut largement diffusé par la gravure. Le culte de l’archange saint Michel a toujours été très populaire. Dès le XVIe siècle, après le Concile de Trente, les artistes furent souvent sollicités pour illustrer le triomphe de la Foi sur l’Hérésie, à la source de cette iconographie : saint Michel terrassant le dragon, incarnation du mal. Ici l’archange saint Michel, en amure et brandissant son épée, s’apprête à terrasser le dragon enchainé qu’il retient prisonnier à terre. Satan, sur le ventre, est anthropomorphe avec des ailes de dragon et une queue à méandres. Bien sûr, comme souvent lorsque le modèle initial a été copié et reproduit par des artistes secondaires, les estampes de l’imagerie populaire en ont transmis une réalité affadie et banalisée. L’atelier a pris ici des distances par rapport à l’original, exécuté dans une atmosphère sombre et sépulcrale. L’artiste a interprété le tableau romain en ajoutant le cortège des chérubins et en couronnant l’archange d’un élégant casque à plumes très XVIIIe siècle. Le caractère naïf mais tout à la fois séduisant de la toile résulte du visage expressif aux traits prononcés du démon, qui par ailleurs est très éloigné du modèle à l’anatomie musculaire accentuée chez le peintre bolonais. La technique du tableau est typique de la première moitié du XVIIIe siècle. La couche d’apprêt est ici rouge, accentuant inévitablement le caractère rougeoyant du tableau. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, cette couche préparatoire sera plutôt de couleur blanche, à base pigment de blanc de plomb et à partir des années 1840 à base de blanc de zinc.
Restauration du tableau
Les déchirures et les tensions provoquées sur les côtés de la toile menaçaient la sauvegarde du tableau. José Garcia a consolidé les bords par le collage de bandes de tension latérales. Un doublage au revers par un écran de lin a permis de protéger la toile de l’humidité des murs et de la poussière. Le tableau était très encrassé par la suie des cierges utilisés jadis et par la poussière. Une couche de saleté s’était fixée sur les plis de la toile distendue. La toile a été nettoyée et le vernis protecteur allégé pour redonner transparence à la peinture. Les lacunes ont été comblées en blanc puis des retouches illusionnistes réversibles ont été effectuées avec minutie. Cette technique permet à la couche picturale de retrouver une homogénéité et une cohésion dans l’esthétique du tableau. Un vernissage satiné a été apporté en touche finale. La restauration entreprise a apporté une grande lisibilité à l’oeuvre, peinte dans des tons ardents. Si l’archange de l’Apocalypse paraît un peu lisse dans son exécution, le démon, comme on l’observe souvent, est traité avec beaucoup d’imagination et de soin … Cette opération a donc prolongé avec réussite la restauration intérieure de la chapelle.La peinture était très altérée. Des déformations et des déchirures ponctuelles étaient visibles à l’oeil nu. Un vernis opacifié par des moisissures, des réseaux de craquelures de la couche picturale et parfois des lacunes, avaient considérablement réduit la lisibilité de la scène peinte.
Mutigney, au fil du temps …
Créé le long de la voie antique reliant la Séquanie à l’ancienne Bourgogne, Mutigney formait une seigneurie en basse et moyenne justice, mais dépendait de la baronnie de Pesmes pour la haute justice. Possession de la famille de Vaudrey, c’est Herman de Vaudrey qui y fit construire en 1450 le château qui domine l’Ognon encore aujourd’hui. Au XVIème siècle, la seigneurie est achetée par Etienne Le Moyne, conseiller au parlement de Dole. Par son mariage, Catherin Mayrot de Pesmes en devint copropriétaire avec son beau-frère Jean de Moyne. Leurs descendants conservèrent Mutigney jusqu’en 1766, lorsque le capitaine de cavalerie Charles Léonard Prosper Mayrot vendit sa part à François Marie Bruno Dagay, avocat général au parlement de Besançon. En 1823, la commune de Chassey peuplée de 160 habitants fusionne avec celle de Mutigney, pour constituer un bourg de quelques 500 habitants. Bon nombre travaillent aux forges de Pesmes qui utilisaient le minerai de fer extrait à Mutigney. Le dernier haut fourneau s’est éteint en 1875.
Par Sylvie de Vesvrotte, Conservateur déléguée des Antiquités et Objets d‘Art du Jura
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