Un atout culturel et touristique
Nos communes possèdent bien souvent un patrimoine caché d’une valeur insoupçonnée : plafond peint médiéval, château, œuvres d’art d’église … dont certaines sont protégées au titre des Monuments historiques.
Attentifs à la conservation et à la transmission de ce patrimoine, les élus peuvent s’engager en partenariat avec la DRAC dans la restauration et la valorisation de ces témoins du passé, atouts culturels et touristiques.
Le support de l’œuvre de l’église de Vitreux restauré en décembre 2015 est constitué d’un assemblage de plusieurs planches de chêne, verticales, unies les unes aux autres, contrainte qui a conduit les spécialistes retenus, José Garcia et Marta Darowska, à travailler sur place à la restauration. Le panneau est inséré dans le retable sud de l’église de la seconde moitié du XVIIe siècle.Les restaurateurs sont également intervenus sur la structure de ce retable : dépoussiérage, consolidation de ses assemblages, reconstitution de parties manquantes du décor sculpté et enfin traitement de certains éléments infestés par des insectes xylophages.
L’oeuvre
Le panneau représente la Vierge et l’Enfant Jésus attribuant le rosaire à saint Dominique, accompagné de ses attributs (un chien tenant un flambeau embrasé dans la gueule et l’étoile qui pare son front) et à Catherine de Sienne, couronnée d’épines en souvenir de la Passion du Christ, avec un crâne à ses pieds exprimant la pénitence et la méditation.
La Remise du Rosaire
L’iconographie de la Remise du Rosaire au prédicateur Dominique de Guzman et à sainte Catherine de Sienne témoigne d’une dévotion répandue en Franche-Comté dès le milieu du XVIe siècle. Le récit de la vision de saint Dominique, recevant à Albi des mains de la Vierge un chapelet que l’on nomma Rosaire, fixa cette iconographie - la Vierge ayant incité le saint mystique à réciter le rosaire en l’honneur des mystères joyeux, douloureux et glorieux de sa vie. Triomphateur de l’hérésie cathare, saint Dominique devint le symbole de la lutte de la chrétienté catholique contre les dangers de la religion réformée. Ce culte du Rosaire engendra la fondation de confréries éponymes, le cas de la paroisse de Vitreux reste à confirmer.
La restauration
Au fil des années, le retable était devenu indéchiffrable en raison de l’opacité du vernis protégeant la peinture mais aussi en raison d’un chanci (microfissuration du verni) généré par une trop forte humidité. En raison du manque d’adhésion de la couche picturale, les opérations de bouchage des lacunes puis la réintégration des retouches à l’aquarelle ont redonné une cohérence à la peinture.
Des influences nordiques
Selon l’avis des restaurateurs, le pigment bleu utilisé pour la teinte du drapé de la Vierge pourrait être à l’origine à base d’un bleu de smalt, particulièrement utilisé aux XVIe et XVIIe siècle par les peintres flamands. Associé à la peinture à l’huile, ce pigment a tendance à se décolorer avec le temps et à prendre une teinte terne. Le paysage, redécouvert à la faveur de la restauration, présente des reliefs verdoyants et une chaine montagneuse dans le lointain. Sa représentation fine, sorte de réduction du globe terrestre, évoque la tradition nordique du paysage à la manière de Jan de Cock ou Cornelitz Engelbrechtsz.
La description minutieuse du rosier grimpant, dont les feuilles sont chacune représentées avec leurs bords dentés, conforte cette orientation stylistique. On peut sans doute situer ce panneau vers la fin du XVIe siècle en particulier en raison de la peinture assez hiératique de la Vierge. D’autre part, celle-ci, parée de son seul voile, se distingue de la Vierge glorieuse, couronnée, que l’on rencontre à partir du 1er tiers du XVIIe siècle. Le ton un peu aigu de la tunique de l’un des anges adorateurs, les teintes mauves des nuées des angles supérieures, évoquent indéniablement les coloris raffinés des peintres maniéristes de la seconde moitié du XVIe siècle.
Ce panneau s’intègre dans un ensemble d’environ dix panneaux sur ce thème en Franche-Comté, qui convergent vers les mêmes caractéristiques stylistiques d’un atelier comtois, mais expérimenté, sensible aux influences nordiques.
La Remise du Rosaire de Chevigny
Ce tableau de 1666 est l’œuvre du peintre Philippe Richard, actif à Dole dès 1638. Celui-ci est également l’auteur d’une autre remise du rosaire à l’église Saint-Didier de Lavans-les-Dole. Le visage de la Vierge, aux traits fins et juvéniles, encadré par une longue chevelure ondulée, est d’inspiration flamande. La proéminence située en arrière-plan pourrait être le Mont-Guérin. Autour du tableau de petites peintures inspirées de peintres renommés sont un véritable travail de miniaturiste. Ce tableau a été restauré au XVIIIe siècle et en 1948. Mais, clouté sur un fond en bois, il présentait des craquelures d’âge responsables de soulèvements d’écailles. La toile, la couche picturale, le vernis étaient dans un mauvais état, notamment à cause de l’humidité. A l’initiative de la commune de Chevigny, le tableau a été confié à l’atelier de Julie Barth à Lyon où il a été refixé sur un vrai châssis et retendu, le cadre a été consolidé et la peinture restaurée.
Par Laurent Champion
Le tableau restauré à l’initiative de la commune de Saligney fin 2015 par le Centre régional de restauration et de conservation des œuvres d’art illustre les saints patrons de l’église de Saligney, saint Ferjeux et saint Ferréol.
Cette peinture à l’huile sur toile est le seul témoignage issu du sanctuaire primitif de Saligney qui fut remplacé par l’église actuelle, édifiée en 1848.
Le culte rendu aux saints martyrs Férréol et Ferjeux est né à Besançon suivant le récit plus ou moins légendé de la vie des deux frères évangélisateurs. Venant de Lyon, Ferréol, prêtre, et Ferjeux, diacre arrivent à Besançon vers 180 après J.-C. où ils suscitent de nombreuses conversions par leur prédication. Dénoncés, les deux orateurs sont arrêtés et subissent le martyre à Besançon sans doute en 212. Leurs corps sont retrouvés à Besançon vers 370 ap. J.-C., et leurs reliques transférées à la Cathédrale Saint-Jean.
L‘oeuvre
La composition représente l’empereur - ou le représentant impérial - donnant ordre de l’exécution au bourreau tandis qu’en pendant, sur un socle, la statue probable d’un Jupiter accompagné de son aigle et tenant le foudre, évoque un paganisme violent mais également fragile. Aux pieds de l’idole sculptée se devine un trépied où brûle le feu du sacrifice, symbole du culte païen auquel les deux frères évangélisateurs avaient refusé de sacrifier.
Dans l’esprit du Concile de Trente, le sujet de ce retable est donc bien le triomphe de la Croix visible au centre du tableau. Les deux figures du monde païen sont finalement assez en retrait par rapport aux martyrs revêtus de rouge flamboyant. La peinture de la scène fait appel au vocabulaire de la peinture académique du XVIIe siècle : la colonne qui apporte une certaine solennité à la représentation, le dais antique…
Les teintes chromatiques de rouge et la palette chaude participent de cette mise en scène dramatique de la peinture de retable qui devait être comprise par les fidèles entrant dans l’espace sacré. Le tableau anonyme est à l’actif d’un atelier sans doute comtois expérimenté.
La restauration
La couche picturale était encrassée par la suie des cierges et la poussière et laissait voir en maints endroits des soulèvements et des manques. De nombreux réseaux de craquelures parcouraient la surface du tableau. Le vernis épais et oxydé a été allégé. Un doublage aveugle en lin a été disposé au revers de la toile pour éviter tout empoussièrement ou accident par le revers. La réintégration illusionniste des lacunes, comblées en premier lieu par un mastic, a été ensuite effectuée à l’aquarelle.
Cette restauration a été financée par la commune, la DRAC de Franche-Comté, le Département et la réserve parlementaire du sénateur Barbier. Merci à Armand Athias, curé du doyenné de la Petite Montagne, pour son concours sur l’iconographie du tableau.
Le CRRCOA, Kesako ?
Fondé en 1985 par le Département de Haute-Saône et la Région Franche-Comté, le centre régional de restauration et de conservation des œuvres d’art de Franche-Comté est situé à Vesoul. Constitué de plus de 2 000 m2 d’ateliers et de laboratoires, il emploie une équipe de professionnels diplômés de l’Institut National du Patrimoine. L’établissement répare différentes œuvres des collections publiques mais aussi privées tels que des sculptures, des peintures sur toile, des textiles, des retables et divers mobiliers. Il est l’un des 6 centres de restauration français. Les œuvres font l’objet d’une attention toute particulière : diagnostic des altérations, évaluations des causes des dégradations, analyse de l’état de conservation, prévention des risques et opérations de conservation ou de restauration sont mis en œuvre de manière efficace et réversible, dans le respect des matériaux originaux, pour valoriser les objets et les transmettre dans les meilleures conditions aux générations futures
En savoir + > http://crrcoa.fr/


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