Une curiosité dans la Serre

Dans son «dictionnaire géographique, historique et statistique des communes de Franche-Comté » édité en 1858, Alphonse Rousset signale à Vriange un oratoire au milieu des vignes qui touchent le village, oratoire pratiqué dans le roc et dédié à Notre Dame Libératrice.

La porte était alors ornée de vitraux peints provenant de l’église de Dole, représentant Jésus en croix et, au-dessus, l’aigle d’Autriche …

Un oratoire pratiqué dans le roc

Au nord-ouest du village, juste au pied de la Serre et surplombant le ruisseau qui traverse la commune, au milieu d’une vaste prairie vallonnée - les vignes signalées par Rousset ont été abandonnées - un bouquet d’arbres couronne une sorte de promontoire. C’est sous celui-ci que se trouve la grotte.

A vrai dire il ne s’agit pas d’une grotte comme le sens commun l’imagine. À l’origine sans doute ne s’agissait-il que d’une avancée rocheuse sous laquelle il a été facile de creuser puis ensuite de fermer l’ensemble par une maçonnerie. L’entrée se fait par un encadrement qui manifestement n’a rien de naturel. Aujourd’hui, point de porte bien sûr, point de vitraux non plus.

Un intérieur surprenant

L’intérieur se partage en deux parties. La première est un espace assez carré et exigu de 3 ou 4 m2 où l’on se tient debout avec un plafond comprenant pas mal de maçonnerie. Le passage dans la deuxième partie se fait lui aussi par un encadrement maçonné. Mais l’aspect intérieur change du tout au tout. Hormis la partie murale, coté extérieur, percée de trois ouvertures irrégulières, vous êtes cette fois-ci véritablement dans une grotte. L’espace plus grand que l’entrée n’est cependant pas immense (moins de 10 m2) et l’on ne se tient pas debout partout.

Dans le fond on voit une pierre plate en calcaire jaunâtre, polie et taillée régulièrement de forme rectangulaire largement biseautée aux quatre angles et dans l’épaisseur. Posée à l’origine sur un important pied central parallélépipédique et ouvragé relativement bas (50 cm), elle est aujourd’hui, puisque cassée dans sa largeur, soutenue par deux piliers fins installés récemment. Sur celle-ci, une lumière rasante permet aisément de lire gravé dans la masse «MP COURDEROT PRÊTRE 1810». Autour des trois ouvertures citées plus haut, on peut voir très nettement des restes de ce qui devait servir à maintenir en place ce qui aurait pu être des vitres, ou même des vitraux.

S’il est facile de décrire le lieu, moins simple est d’en dire l’histoire

Il ne fait guère de doute que ce lieu a joué à un moment un rôle religieux, mais quel était-il réellement ? Au moment où Rousset publie son ouvrage, au milieu du XIXe siècle, il n’est semble-t-il qu’un simple oratoire. Mais que! rôle a-t-il joué auparavant ? La forme de la pierre taillée qui ressemble à s’y méprendre à une pierre d’autel en miniature, le nom gravé, mais surtout la qualité de celui qui le porte incitent fortement à penser que ce lieu aurait pu servir de lieu de célébration à un prêtre réfractaire sous la révolution bien que la date mentionnée de 1810, en plein premier empire, paraisse un peu tardive. Ce qui est certain, c’est que cette hypothèse est répandue dans le grand public.

Monsieur le Curé Graby, curé de Malange de 1890 à 1938, dans la petite monographie sur l’histoire de Malange qu’il a laissée, n’hésite pas à l’affirmer. Quelles étaient ses sources, nous ne le savons pas. Il exprime cela à propos de remarques sur l’histoire de Malange ayant des incidences sur l’histoire de la grotte et qui pourraient expliquer l’absence des vitraux et autres objets.

Ecoutons le : « Dans ce clos est un puits qui était remarquable par ses pierres en granit de la Serre et surtout par une monture en fer forgé d’une forme artistique et surmontée d’une croix. Placé au milieu d’un vaste clos il évoque l’idée d’une communauté. C’est un des plus profonds et meilleurs puits du village. Malheureusement une vieille fille, Mlle Billard, qui avait acheté cette propriété avec le château au moment de la mort du capitaine Carmillet et qui avait l’engouement des antiquités et la rapacité d’une avare emporta à Dole cette porte en fer portant une inscription intéressante pour le pays et la monture artistique du puits. Elle avait déjà acheté à Vriange le bois dans lequel se trouve une grotte où un prêtre nommé Courderot a dit la messe pendant la révolution, comme le rappelle une inscription sur la pierre d’autel. De la grotte elle avait emporté toutes les statues anciennes qui l’ornaient …». Il n’est pas question de vitraux mais on peut penser qu’ils faisaient partie du méfait … Et le brave curé de s’indigner « C’est malheureux qu’on ne puisse empêcher ces vandales de faire disparaître ainsi les souvenirs historiques d’un pays ».

Sur ce point nous ne pouvons que lui donner raison ! Voilà aujourd’hui quelles sont nos connaissances sur cette grotte. Est-il possible d’en apprendre davantage ? J’en suis intimement persuadé.

Michel Courderot par Michel Courderot, Malange,

Les anciens racontent qu’avant la dernière guerre, le 15 Août, se déroulait une procession conduisant à la grotte. A l’issue une collation était offerte par Melle Billard, propriétaire du terrain. Les abords de la grotte étaient aménagés en jardin comme en témoignent encore les pierres alignées formant des allées. En 1941 la grotte servit de refuge à des soldats Sénégalais évadés avant qu’ils ne soient conduits à Belmont pour passer en zone libre.

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