Mémoire de tout un village

L’église Saint-Pierre fut construite en 1725/1728 sur une ancienne église du XIV ème siècle.

Le sommet du mur qui fait face à la nef est orné d’une Gloire polychrome avec des têtes d’angelots ailés. La nef, composée de trois travées, est séparée du chœur par un court transept, avec une chapelle dans chaque bras nord et sud. Deux petites chapelles plus anciennes, probablement du XIV ème s’ouvrent sur la nef voûtée d’arêtes. L’une d’elles est dédiée à St Antoine et l’autre à Sainte Catherine (ou Saint Joseph). Dans cette dernière, on peut voir une belle pierre tombale représentant le chevalier Odot de Brans et Jehanne de Vuillafans, son épouse. Sous cette chapelle se trouve un vaste tombeau contenant de nombreux ossements.

A l’entrée de l’église se trouve un très beau bénitier Renaissance, en marbre rose de Sampans. Dans la grande chapelle figure un grand tableau : Vierge à l’Enfant remettant le Rosaire à Saint Dominique de Silos, du peintre Claude-Basile Cariage. Le maître-autel de forme tombeau a été réalisé avec des marbres de différentes couleurs.

Quelques dates :

  • 1822 et 1846 : achat des cloches,
  • 1839 et 1841 : incendie et réparation de l’intérieur par l’architecte Tranchant de Dole,
  • 1841 : achat d’un tableau et de la porte du tabernacle,
  • 1853 : achat de l’horloge.

Odot de Brans et Jehanne de Vuillafans Odot de Brans et Jehanne de Vuillafans
texte de l'inscription funéraire texte de l'inscription funéraire

1905 : un épisode mouvementé …

A Brans comme ailleurs en France, des inventaires sont menés ‘‘tambour battant’’. L’histoire raconte que pendant que le maire modérait l’ardeur des autorités demandant l’ouverture de l’église, son épouse et quelques personnes du village réfugiées à l’intérieur récitaient le chapelet.

Devant le refus d’obtempérer, ces mêmes autorités désignèrent un habitant pour forcer la porte. A l’aide d’une pioche, il défonça celle-ci et l’inventaire pût avoir lieu. Par la suite, les villageois lui en tinrent rigueur bien qu’il ne fut qu’un pauvre exécutant. Ces portes furent remplacées à l’identique vers la fin du XX ème siècle et exposées ‘‘sous les cloches’’ à l’entrée de l’église. Elles sont aujourd’hui stockées au premier étage du clocher (mais surtout pas détruites).

Après les inventaires, la commune et la paroisse vendirent des statues à Julien Feuvrier, historien et archéologue dolois, afin d’acheter un calorifère. On peut voir aujourd’hui au musée de Dole, deux de ces statues représentant Saint Pierre et Saint Antoine.

Une rénovation collective

Durant ces dernières années, l’église de Brans a été entièrement restaurée. D’abord par la commune en ce qui concerne la toiture et le crépi, puis par une entreprise et un nombre important de bénévoles pour l’intérieur. Grâce à la générosité des gens, au travail des bénévoles, à l’aide de la Fondation du Patrimoine, cet édifice vivra encore longtemps pour témoigner de l’histoire du village.

La querelle des inventaires

Lors des débats parlementaires sur la loi de séparation des Églises et de l’État, l’idée d’un inventaire des biens des bâtiments, qui avaient depuis le Concordat de 1801 le statut d’« établissements publics du culte », s’est naturellement imposée. Tous les édifices construits avant 1905 restent, comme c’est le cas depuis la Révolution, propriété de l’État pour les cathédrales ou des communes pour les paroisses. C’est pour cela que le 29 décembre 1905 est pris un décret d’administration publique concernant les inventaires. Il applique le passage de l’église paroissiale sous la tutelle de la mairie et donc l’inventaire dans son contenu dévolu aux associations cultuelles.

Le 2 février 1906, une circulaire destinée aux fonctionnaires des Domaines contient une phrase provocatrice qui va mettre le feu aux poudres : « les agents chargés de l’inventaire demanderont l’ouverture des tabernacles ». Les milieux politiques conservateurs ne tardent pas à s’emparer de l’affaire et à susciter l’émotion populaire dans certaines régions. Un communiqué gouvernemental est émis pour rassurer les catholiques : « Aucun inventaire n’aura lieu avant la discussion de l’interpellation fixée le 19 janvier ».

Les manifestations.

Tout semble dès lors devoir se passer sans incident, mais d’importantes séries de manifestations ont lieu devant de nombreuses églises. De nombreux catholiques pensent que ces inventaires sont une profanation et les communautés rurales pensent que c’est une spoliation. L’importance des troubles varie en fonction des régions. En effet, certaines populations par leur passé et leur attachement confessionnel apparaissent plus déterminées à défendre leurs convictions religieuses dont les symboles leur semblent remis en cause surtout dans les régions chrétiennes comme la Bretagne, une partie du Massif central, la Flandre. Le gouvernement doit affronter une opposition virulente, des échauffourées se produisent entre les manifestants (qui se barricadent dans les églises pour empêcher les agents du fisc de procéder à l’inventaire) et les forces de l’ordre. Des incidents sanglants éclatent, certains tournent au drame et entraînent morts d’hommes. Un débat parlementaire est organisé entre le ministre des Cultes Aristide Briand et les autres partis. La décision de ne pas céder, entraîne le 7 mars 1906 la chute du cabinet Rouvier.

Clemenceau joue l’apaisement.

À la suite de cette affaire, le nouveau ministre de l’Intérieur Georges Clemenceau, membre du cabinet Sarrien formé le 14 mars 1906, et anticlérical notoire, décide de renoncer aux opérations d’inventaire dans les cas où elles rencontrent une résistance violente. Le 20 mars, alors qu’il ne reste plus que 5 000 sanctuaires, sur 68 000, à inventorier, il déclare à la Chambre : « Nous trouvons que la question de savoir si l’on comptera ou ne comptera pas des chandeliers dans une église ne vaut pas une vie humaine ». L’agitation née des inventaires, localisée mais considérable, prend fin.