Crapauds, Grenouilles et Tritons dans la Serre
Le Massif de la Serre sera pris ici au sens strict, c’est-à-dire la partie granitique du relief. Cette définition correspond donc essentiellement à la couverture forestière du site, laquelle forme un écosystème particulier. Si l’on se penche sur le cas des Amphibiens (ou batraciens), la plupart des personnes parlent “du crapaud, de la grenouille ou du triton”. En réalité, 16 espèces d’Amphibiens sont connues actuellement en Franche-Comté, au sein desquelles on peut reconnaître par exemple 6 espèces différentes de grenouilles (genre Rana) et 4 espèces de tritons (genre Triturus).
au moins 11 espèces d'amphibiens peuvent être observées dans la Serre !
Le massif de la Serre est d’un intérêt élevé pour ces espèces, puisqu’au moins 11 d’entre elles peuvent y être observées. Si l’on garde à l’esprit que ces Amphibiens dépendent à la fois du milieu aquatique pour la ponte (le plus souvent au printemps) et du milieu terrestre pour la nourriture et en général pour l’hibernation, il est aisé de comprendre que leur présence sera directement liée à l’existence et à la qualité des biotopes aquatiques et terrestres. Chaque espèce ayant ses exigences propres.
la Salamandre tachetée
Elle est le plus souvent rencontrée dans les vallons humides de la Serre, à proximité des nombreux petits ruisseaux où elle se reproduit. En effet, après la fécondation, la femelle dépose quelques dizaines de petites larves dans les zones calmes des ruisseaux (cuvettes) ou encore dans les flaques des chemins à 1 ‘ombre des arbres. Ces larves sont des répliques miniatures des adultes, mais présentent une coloration très terne (faible contraste des taches jaunes) et surtout des branchies externes (respiration dans l’eau) avant les métamorphoses conduisant à l’apparition des poumons (respiration aérienne). Les larves carnassières se nourrissent d’invertébrés. Quant aux adultes, ils sont de mœurs crépusculaires et nocturnes, chassant limaces, lombrics, insectes… la Salamandre tachetée peut cependant être observée la journée lors de pluies orageuses et douces (ou malheureusement écrasée sur les routes).
Les tritons
Le Triton alpestre et le Triton palmé se reproduisent dans des biotopes variés, zones calmes des ruisseaux, ornières des chemins en forêt, et dans les mares sableuses de la Serre. Les mares des anciennes carrières sont aussi colonisées, mais l’introduction de poissons carnassiers (destructeurs de pontes et de larves) dans certaines d’entre elles limite fortement ces espèces. Après la ponte, la grande majorité des individus gagne le milieu
Le Triton ponctué et le Triton crêté (ce dernier atteignant 16 cm) occupent seulement les mares bien ensoleillées et le plus souvent riches en végétation. La présence de Triton crêté, espèce rare en Franche-Comté, et en forte régression en Europe, revêt un grand intérêt.
Le Sonneur à ventre jaune
Il s’agit d’une espèce atypique du massif de la Serre, occupant aussi bien les ruisseaux temporaires que les ornières et les fossés des chemins, le plus souvent dans des zones ensoleillées (coupes en forêt, lisières). Cette jolie espèce doit son nom à sa face ventrale noir-bleuté maculée de jaune vif (parfois orange). Cette coloration (rappelant celle de la Salamandre tachetée) est interprétée comme un signal visuel indiquant (par expérience) aux prédateurs la toxicité des glandes cutanées. En revanche, la face dorsale est grise ou brune et fait que ce petit animal (5 cm de long) passe le plus souvent inaperçu, flottant immobile à la surface de l’eau dans l’attente d’un insecte imprudent.
L’Alyte accoucheur
De taille voisine du Sonneur, c’est un amphibien aux mœurs reproductrices très particulières et uniques parmi les espèces présentes en France. Ainsi, l’accouplement et la fécondation sont entièrement terrestres. Par ailleurs, le mâle, grâce à la production d’un mucus particulier, entortille la ponte autour de ses pattes postérieures et va ainsi la transporter durant plusieurs mois ! Le développement des larves se fait donc partiellement en dehors de l’eau (un observateur attentif peut très bien voir les yeux de chaque têtard dans l’œuf), jusqu’à un stade où la ponte déposée dans une mare achèvera la métamorphose dans l’eau. Notons enfin que cette espèce a un joli “chant” constitué de courtes notes flûtées (rappelant le chant du Hibou Petit-Duc !) égrenées lors des nuits douces d’avril à juillet. Cette espèce fréquente les mares sableuses de la Serre et a colonisé les anciennes carrières. Elle peut aussi fréquenter les villages (par exemple Ougney).
Le Crapaud commun
L’animal mesure environ 10 cm de long ? C’est une espèce connue de la plupart des personnes, occupant aussi bien les espaces forestiers, et donc la Serre, que les prairies, vergers et villages. II se reproduit dans les mares et étangs d’au moins 40-50 cm de profondeur, même en présence de poissons. Grand consommateur d’invertébrés, il était jadis apprécié dans les jardins pour cette raison. Il est souvent écrasé sur les routes lors des migrations de printemps vers les zones de ponte.
La Grenouille verte
Elle est, elle aussi, bien connue pour ses “flocs” sonores lorsqu’elle plonge dans l’eau d’une mare ou d’un étang à l’approche d’un promeneur. Il s’agit d’ailleurs d’une des rares espèces restant vers l’eau durant tout son cycle d’activité.
En revanche, la Grenouille rousse, qui se reproduit dans presque tous les types de milieux humides, gagne les espaces forestiers après la ponte (entre février et mars). Il s’agit encore d’une espèce commune malgré le braconnage en période de reproduction.
dessins extraits de l’atlas des amphibiens et reptiles de France publié par la Société Herpétologique de France (association loi 1901) en 1989
Par Hugues PINSTON (Conservateur de la Réserve naturelle nationale du Sabot de Frotey)
Cliquez sur la salamandre pour découvrir le texte rédigé le 24 mai 1994 pour parution dans le bulletin de Serre Vivante n°5 !